Acculé par les questions des membres de la commission santé, affaires sociales et formation professionnelle au sein du Parlement, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Mohamed Ghazi, s'est montré incapable, hier, de rassurer les députés — aussi bien de l'opposition que de la majorité parlementaire — sur le projet de loi relatif à la retraite, programmé pour examen et objet de grande inquiétude chez les travailleurs et les syndicats. Dans un communiqué rendu public par l'APN, il est fait état des déclarations du ministre du Travail selon lesquelles la retraite sans condition d'âge (anticipée) a eu un impact négatif sur le système de retraite, avec 916 000 bénéficiaires, soit 52% des retraités et 405 milliards de dinars de dépenses annuelles, précisant qu'il faut prendre en considération l'évolution de l'espérance de vie, passée de 62,5 ans dans les années 1980 à 77,1 ans en 2015. M. Ghazi a expliqué que ce constat a poussé le gouvernement à prendre de nouvelles mesures qui consistent à revoir l'âge de la retraite à 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes, et de ne maintenir la retraite anticipée que pour les métiers pénibles. Il a révélé en outre que les personnes à grandes compétences ou exerçant des métiers rares peuvent, quant à elles, prolonger l'âge de leur retraite, annonçant par la même occasion l'élaboration d'un décret exécutif définissant les conditions et les modalités d'application de cette mesure. Nadia Chouiter, députée PT, ne partage pas l'avis du ministre «tout comme, dit-elle, la majorité des membres de la commission santé». Elle commence par affirmer que le débat n'est pas clos puisqu'aujourd'hui, la commission entendra le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi Saïd, et demain les directeurs généraux de la Caisse nationale d'assurance sociale (CNAS) et la Caisse nationale de retraite (CNR). «A l'exception d'une ou deux interventions, la plupart des membres de la commission santé ont exprimé leur préoccupation. Ce projet de loi est qualifié tantôt d'injuste, précipité, terrifiant, tantôt d'anticipé et irréfléchi. L'ambiance n'était pas favorable à cette loi, y compris au sein de la majorité parlementaire», affirme Mme Chouiter, soulignant qu'au nom de son parti, elle avait clairement indiqué que «cette loi allait provoquer une ruée vers la retraite et nous mènera droit vers une compression déguisée des travailleurs. Toutes nos questions sur le recouvrement des créances de la CNAS, mais aussi de la récupération des 4 millions de travailleurs du secteur informel, mais le ministre n'a pas donné de réponse convaincante. Nous l'avons interrogé sur l'opération d'effacement de pénalités de non-déclaration des travailleurs, il nous a répondu qu'elle a touché 150 000 employeurs, mais sans être capable de nous donner le nombre de travailleurs concernés». La députée ajoute, par ailleurs, que le ministre a été interpellé sur chacun des articles de ce projet de loi, mais aussi sur les chiffres relatifs aux départs à la retraite dans le secteur de l'éducation nationale, «estimés selon certains syndicalistes à une moyenne de 80 à 90 000 partants. Il a répondu que ce nombre ne reflète pas la réalité. D'après lui, 30 000 enseignants partent à la retraite. Il a défendu le projet de loi et la suppression de la retraite anticipée en disant que ces mesures vont aider à rééquilibrer les caisses à l'horizon 2021». Durant, le débat, note Mme Chouiter, M. Ghazi «a été secoué au point où il a lâché une phrase assez significative en disant : ‘C'est regrettable que des députés de la majorité soient à la même enseigne que ceux de l'opposition. C'est votre position. Je la respecte. Mais pour le gouvernement, il s'agit d'une démarche qui aide à apporter des solutions au déséquilibre financier des caisses, notamment de la Caisse des retraites. Nous lui avons demandé de nous donner des arguments solides qui justifient ces mesures, mais en vain». Certains députés de la commission santé, souligne Mme Chouiter, «n'ont pas hésité à déclarer au ministre que le gouvernement est en train d'entrainer le pays vers un tunnel sans issue. Ce projet de loi suscite la gronde des syndicats autonomes et les travailleurs ne comptent pas se laisser faire parce qu'il y va de l'avenir de leurs acquis sociaux. Nous avons même évoqué le projet de loi relatif au code du travail en lui demandant s'il n'y avait un lien entre ce projet de loi et celui lié aux retraites. Il a bien sûr nié toute relation, mais sa réponse était loin d'être convaincante». La députée ne se fait pas d'illusion. Pour elle, le gouvernement semble décidé à faire passer ses projets de loi décriés par les travailleurs et les syndicats. «Cela me rappelle l'ambiance qui a précédé l'adoption de la loi de finances 2015-2016 et cela n'augure rien de bien», conclut Mme Chouiter.