Le départ de Amar Saadani ne serait pas un acte isolé. Il augure une longue liste de partants dans la sphère militaire et politique. Ces «purges» replacent le centre du pouvoir à El Mouradia, dont le locataire apparaît médiatiquement pour affirmer la légitimité des décisions qui devront tomber à court et moyen termes. L'option du 5e mandat se préciserait-elle ? Même si la «démission» de Amar Saadani du poste de secrétaire général du FLN était prévisible, elle reste néanmoins annonciatrice d'un nouveau recadrage du centre du pouvoir, désormais revenu au locataire d'El Mouradia qui, subitement, réoccupe l'espace médiatique avec une image plus ou moins soignée. Pour les plus avertis, elle augure d'autres «décisions aussi importantes» qui pourraient éclairer sur l'agenda 2019. «Amar Saadani a bel et bien été débarqué de son poste. Lui-même l'a confirmé en demandant aux membres du comité central, lors de son discours de clôture de l'assemblée ordinaire, si l'un d'entre eux voulait son départ. En fait, l'ex-secrétaire général du FLN voulait tout simplement dire à ses détracteurs que son départ n'est pas le fruit d'une revendication de la base mais plutôt celui d'une décision en haut lieu», expliquent des sources proches du parti. Pour elles, «l'erreur de Amar Saadani a été de s'être empêtré dans une logique suicidaire. Il s'est mis du côté du plus puissant, en l'occurrence le vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major de l'Anp, Ahmed Gaïd Salah, tout en continuant à parler au nom du Président. Ses déclarations sulfureuses ne cessaient de faire grincer les dents en haut lieu et les plus récentes de ses attaques ont provoqué la colère». L'autre erreur du vice-ministre de la Défense nationale Nos interlocuteurs expliquent qu'entre Saadani, secrétaire général du parti de la majorité, et le vice-ministre, dont la concentration des pouvoirs est devenue source d'inquiétude, «les relations n'ont jamais été aussi fortes que ces deux dernières années durant lesquelles les absences du Président étaient aussi nombreuses que longues et son état de santé objet de polémique. Cette situation de vacance a aiguisé les appétits et fini par engendrer l'émergence de deux centres de pouvoir, l'un à El Mouradia et l'autre aux Tagarins, poussant tous ceux qui gravitent autour du sérail à se positionner pour l'un ou l'autre, même si tout ce monde voue respect inconsidéré au Président. Le choix de Saadani s'est porté sur le tout-puissant vice-ministre de la Défense, lequel, en violation du principe de neutralité de l'armée, le fait savoir à tous en lui adressant un message public de félicitations à l'occasion de son élection à la tête du FLN». Une autre erreur que le locataire d'El Mouradia a du mal digérer, nous dit-on. Sa réponse a été d'envoyer la même lettre, mais à Ahmed Ouyahia, directeur de son cabinet, fraîchement élu à la tête du RND, qui venait de faire l'objet d'un chapelet d'insultes et d'accusations proférées par Amar Saadani lors de ses sorties médiatiques. En multipliant les erreurs et en s'attaquant y compris aux institutions et aux symboles de la Révolution, Amar Saadani a scellé son sort. Son débarquement du FLN était, pour El Mouradia, une question de temps, voire d'opportunité. Tout comme le départ du vice-ministre de la Défense. «Avant même le dernier remaniement gouvernemental, il était question qu'il soit nommé ministre de la Défense et que l'état-major de l'Anp soit confié à quelqu'un d'autre, dont le nom était déjà prêt. Cette proposition a fini par être écartée», précisent nos interlocuteurs, sans toutefois être plus explicites. Mais les dernières déclarations de Saadani semblent avoir précipité les événements. «Les propos du secrétaire général du FLN ont fait l'effet d'une bombe et suscité de la colère à El Mouradia, dont le locataire est président du FLN et tout ce que pourrait dire Saadani peut être interprété comme suggéré par Bouteflika. En fait, à travers sa dernière sortie médiatique, Saadani a donné l'opportunité à El Mouradia de le mettre hors service définitivement. Ses dérives se sont accumulées et son maintien à la tête du parti risquait de faire éclater le FLN et de compromettre les échéances électorales prochaines. La décision de le débarquer était inéluctable», révèlent nos sources. L'option du 5e mandat se précise Cette décision n'est pas isolée. D'autres mesures pourraient suivre dans les mois prochains ou, nous dit-on, probablement juste après les élections législatives. Les dernières sorties médiatiques du président de la République et la multiplication des audiences accordées aux officiels étrangers en visite à Alger pourraient être interprétées comme des messages importants destinés aussi bien à ceux qui se projettent dans l'échéance de 2019 qu'aux partenaires de l'Algérie. De nombreuses sources bien informées partagent cet avis. Pour elles, «les images d'un Bouteflika en train d'inaugurer un centre de conférence international ou un opéra, d'applaudir, de parler, d'entendre et de suivre un concert durant près de deux heures constituent la preuve que les décisions importantes qui vont tomber sont bel et bien signées de sa main et ne sont pas l'œuvre de son entourage, plus précisément son frère ou encore son directeur de cabinet, Ahmed Ouyahia, qui, faut-il le souligner, est en désaccord aussi bien avec Saadani qu'avec Gaïd Salah», notent nos interlocuteurs. Désormais, souligne,nt ces derniers, le locataire d'El Mouradia «revient en force. Et l'enjeu n'est autre que le rendez-vous de 2019». Visiblement, les jeux de cette échéance de 2019 semblent déjà fermés. Des voix s'élèvent depuis quelques semaines pour soutenir l'option d'un cinquième mandat. La première a été celle de de Abdelkader Bassir, président de l'Organisation nationale des zaouïas, suivie par celle de Amara Benyounès, président du Mouvement populaire algérien (MPA), avant que le tout fraîchement élu secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, n'exprime publiquement lui aussi son soutien à un cinquième mandat de Bouteflika, «si Dieu prolonge sa vie», dit-il. L'idée lancée, il ne resterait pour le clan présidentiel qu'à «travailler» la base, les partis politiques et les organisations composant l'alliance présidentielle pour la concrétiser en éliminant tout «cavalier potentiel». Ce qui aurait été qualifié de «complot» contre le Président semble déjoué et tout comme Amar Saadani, le tout-puissant vice-ministre de la Défense nationale serait sur une longue liste de partants, pour ne pas dire de purges, qui garantirait «un scrutin taillé aux mesures du candidat-Président», conclut une de nos sources.