L'on s'attendait à tout. Toutes les incartades sont possibles dans notre pays, même le quatrième mandat de Bouteflika à la présidence de la République, on le savait, n'aurait pas été possible sans les atouts «politiques» et les rapports de force que le locataire d'El Mouradia avait mis à son profit. Mais que l'Armée nationale populaire (ANP) soit aussi engagée et enrôlée franchement dans les luttes partisanes, c'est la ligne que l'on croyait – de par les dispositions constitutionnelles qui fixent les missions de l'institution militaire – infranchissables. En écrivant au secrétaire général du FLN, Amar Saadani, et en le félicitant pour le «plébiscite» que lui a accordé le dernier congrès, en glorifiant le FLN, le chef d'état-major assume clairement ses choix, le passif et l'actif de Saadani, sa gestion à la tête du parti, ses prises de position, et donc tout le processus qui a conduit au quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika. Depuis l'ouverture politique de 1988 arrachée de haute lutte jusqu'à l'inimaginable régression que l'Algérie est en train de vivre, jamais l'institution militaire, même si ce n'est un secret pour personne qu'elle est le pouvoir réel, ne s'est immiscée de manière aussi ouverte dans la politique, en dépit les mises en garde de l'opposition sur les incidences que pourrait impliquer une telle décision. Désormais, l'on peut s'attendre à tout. Et ces nouvelles mœurs sont annonciatrices d'un plan qui s'inscrit en droite ligne de la succession à la présidence de la République qui se dessine. L'on sait aujourd'hui que la sortie du secrétaire général du FLN qui a brillé, à l'automne 2013, par ses attaques acerbes et des reproches graves contre la Direction du renseignement et de la sécurité (DRS) et son patron, le général Toufik, sans qu'aucune réaction émane du ministère de la Défense, n'était pas le produit d'un coup de tête. Amar Saadani se savait-il protégé pour s'inscrire dans une opposition aussi engagée à l'encontre du puissant DRS ? Pour moins que cela, Saâd Bouakba – et, par son truchement, les médias algériens – a eu droit à une violente réplique de la revue El Djeich en réaction à un commentaire écrit par le journaliste que «l'information crédible est celle qui évite les jugements définitifs sur la base de convictions propres ou de visions et de positions personnelles», qu'«il incombe à l'information, quatrième pouvoir, de ne pas s'ingérer dans les prérogatives (des autres pouvoirs) et de les remplacer (…) bien au contraire, il doit les aider, coopérer et coordonner avec eux». Au défunt Mohamed Mechati – l'un des derniers membres du Groupe des 22 qui ont déclenché la Révolution – qui appelait l'armée à «agir vite», le MDN opposait les arguments de la limite des missions constitutionnelles de l'ANP. Pourquoi alors le chef d'état-major a franchi le pas en apportant sa franche caution au secrétaire général du FLN et à son parti ? Que prépare-t-on, plus d'une année après le quatrième mandat ? Autant de questionnements agités par la lettre adressée par le vice-ministre de la Défense, le général-major Ahmed Gaïd Salah.