Parmi les retours que j'ai reçus suite à la publication du précédent article sur le mouvement féministe intersectionnel, certains me reprochaient d'avoir traité un sujet «inutile» sous prétexte que notre société ne connaîtrait pas ce genre de problèmes, en sortant à chaque fois en guise d'argumentation la liste habituelle d'assertions fictives, dont je cite : «La femme est honorée chez nous» ; «La femme vaut plus que de l'or chez nous», ou encore «Les femmes ont déjà les mêmes droits que les hommes», et j'en passe. Il serait bon de leur rappeler l'anachronisme du contenu du code de la famille 1984, chose qui nécessiterait un article entier. D'autres me signalaient que des sujets pareils étaient «en déconnexion» vis-à-vis de la société algérienne, ce qui est absurde puisqu'il existe déjà (et depuis longtemps) des mouvements de défense des droits de l'homme - et de la femme en particulier - actifs dans le domaine. Et extrêmement méprisant car considérer le citoyen algérien comme étant un individu dénué de sens de réflexion ne pourra jamais faire avancer le débat. Oui, notre société a besoin d'une prise de conscience concernant la situation et le sort de l'Algérienne. En plus de l'inégalité et de l'injustice qui ont été légitimées et légalisées par ladite réforme du code de la famille, naître de sexe féminin dans notre société détermine tout le destin de l'individu. Il suffit de s'attarder sur les différentes éducations et les différents modèles que nous offrons aux enfants des deux sexes pour s'en rendre compte ; nous apprenons aux petits garçons à se défendre, s'affirmer et à être indépendants. De l'autre côté, nous apprenons aux petites filles à être dociles, discrètes, voire effacées, à ne pas être audacieuses et à ne jamais rire aux éclats. Nous leur apprenons qu'il faut être ambitieuses, mais pas trop, car le but ultime de la vie de chaque fille devrait être son sacro-saint mariage. Nous complimentons les garçons par rapport à leur force et leur bravoure, et les filles par rapport à leur beauté et docilité. L'homme aussi est victime de cette mentalité ; on l'avertit dès son plus jeune âge de ne jamais montrer ses faiblesses, de les renier et de les enfouir profondément, ce qui se transforme en une frustration énorme, source de violence. On réduit toute la richesse de sa personnalité à sa virilité et on lui apprend que son honneur tient à une membrane et quelques gouttes de sang. Enfin, pour clôturer cette chronique et ce sujet, en réponse à ceux qui jugent ce sujet inutile, j'aimerais rendre un petit hommage à Amira Merabet, une jeune étudiante en médecine à Constantine, qui est sortie de chez elle un matin d'août dernier mais qui n'est jamais revenue puisqu'un forcené avait décidé de la brûler vive car elle déclina ses avances. Et une pensée à toutes les Amira...