Appareil du pouvoir par excellence, le parti FLN est depuis le départ de Amar Saadani, son ex-secrétaire général, dans une tourmente, voire une sourde tempête qui risque de balayer bon nombre de cadres du paysage politique. Rappelé à la rescousse, Djamel Ould Abbès, son nouveau responsable, choisi pour sa loyauté au président du parti, qui n'est autre le chef de l'Etat, semble détenir «une feuille de route bien précise», nous révèlent des sources bien informées. «Remettre de l'ordre dans la maison FLN, avant qu'elle ne s'écroule, et colmater les brèches ouvertes par Amar Saadani, à travers sa logique de consolidation de son pouvoir par l'exclusion et les règlements de comptes, etc. Le tout nouveau secrétaire général est donc venu en pompier. Il doit, comme il ne cesse de le répéter, réunifier les rangs en faisant du pied à tous les contestataires et opposants laissés en marge du parti», soulignent nos sources. Pour celles-ci, Ould Abbès a devant lui «un immense chantier». D'abord le bureau politique (BP) qu'il a réuni il y a une semaine, loin de tout tapage médiatique. Selon certaines indiscrétions, le tout nouveau pilote du FLN n'y a pas été avec le dos de la cuillère. Il aurait interdit à certains membres du BP de se présenter aux prochaines élections législatives. «Des informations sur des supposées ventes de sièges de député seraient parvenues aux plus hautes autorités. Une aubaine pour Ould Abbès, qui a trouvé le moyen de les écarter. Il les aurait même menacés de recourir à la justice s'ils ne remboursaient pas les montants encaissés. Ces propos auraient laissé l'assistance de glace…», affirment nos interlocuteurs. Avec l'opposition, soulignent nos sources, des passerelles ont été ouvertes, y compris avec Abelaziz Belkhadem, l'ancien secrétaire général du FLN, accusé par Saadani d'être issu d'une famille au comportement contraire à la Révolution. «Nous comprenons la position d'Ould Abbès. Nous avons longuement parlé avec lui sur la situation du parti, mais aussi des prochaines législatives que nous sommes capables de réussir. Le secrétaire général semblait très réceptif. A-t-il les mains libres pour aller jusqu'au bout ? Nous n'en savons rien...» précise un des membres du groupe de l'opposition que dirige Abderrahmane Belayat. Sauver l'appareil de l'état d'une implosion Une question pertinente, dont la réponse ne peut être connue pour l'instant. En tout cas, Djamel Ould Abbès semble détenir la caution directe de la Présidence dans tous ses faits et actes et il ne s'empêche pas de le dire et le réaffirmer à chaque fois que cela est nécessaire. La décision de s'attaquer frontalement au «FLN» érigé par Saadani, à l'intérieur même du parti, ne pouvait être prise sans l'aval du premier responsable du parti, en l'occurrence le président de la République. Et pour éviter toute mauvaise surprise, au niveau du Parlement, notamment lors des débats sur les projets de loi de finances et de retraite, Djamel Ould Abbès a convoqué tous les députés, aussi bien les alliés de Saadani que les opposants, les sénateurs, les 120 mouhafedh (commissaires du parti), les membres du BP et les ministres (du parti) à une réunion dite de coordination aujourd'hui à l'hôtel El Aurassi, à Alger. «Nous savons que des choses sont en train de se passer et que durant cette réunion des décisions pourraient être prises…» nous lance un sénateur. Des sources bien informées sont plus précises : «Des décisions, il y en aura. Peut-être pas immédiatement. Mais dès janvier 2017, c'est-à-dire une fois que les lois de finances et de la retraite seront validées. Il faudra s'attendre à une recomposition au sein du parti. L'idée d'aller vers un directoire pour gérer l'étape des législatives n'est pas à écarter. Elle a été évoquée sans susciter d'opposition. Pour les rédacteurs de la feuille de route remise à Ould Abbès, il est important que le parti garde sa place de première force lors des prochaines législatives. La crise qu'il a traversée sous le règne de Saadani a laissé de graves séquelles», nous dit-on. Mais dans quel objectif, les plus hautes autorités — pour ne pas dire la présidence de la République — veulent-elles «sauver» le FLN, cet appareil de l'Etat, d'une implosion ? La réponse «est toute simple», indiquent nos interlocuteurs. «En fait, après le débarquement de Saadani, il fallait reprendre les choses en main et éviter tout retour de flammes de ceux qu'il incarnait ou avec lesquels il s'est allié, de surcroît à la veille des législatives. Une fois le parti repris en main, il sera plus facile par la suite d'assurer l'échéance de 2019, pourquoi pas un 5e mandat ?» L'avis est largement partagé. Depuis l'éviction de Saadani du FLN, les activités officielles du Président sont devenues de plus en plus nombreuses. Visiblement, son état de santé, ou du moins son apparence, connaît une nette amélioration. Bien soignée, l'image de Bouteflika n'est plus celle d'un homme ravagé par la maladie. Il salue de sa main (longtemps immobile), écoute sans appareillage, parle, même si c'est à voix basse, et assiste à un spectacle de près de deux heures. «Le message est clair. Le Président revient aux affaires. Personne ne peut plus évoquer l'article 88 de la Constitution, qui parle de l'incapacité du Président à gérer le pays. Le message est destiné en premier lieu à certains membres de sa famille politique, qui se projetaient déjà vers l'échéance de 2019. Ses apparitions publiques ne sont plus gênantes. Si Dieu lui accorde longue vie, il briguera un 5e mandat. Pour y arriver, son entourage a commencé par faire le ménage dans la maison FLN, avant d'aller vers une recomposition totale de l'échiquier politique», expliquent nos interlocuteurs.