Poussée par une croissance démographique et de nouvelles habitudes de consommation, la facture des 'importations céréalières a explosé face à une production nationale trop irrégulière pour répondre à tous les besoins. L'Algérie importe 80% de ses besoins en blé tendre et produit 60% de son blé dur. Pour le maïs, les importations sont de 100%, alors que pour l'orge, elles demeurent faibles à moins de 20%. Ces deux céréales sont destinées principalement à l'alimentation de bétail. 60% des céréales produites au niveau national sont du blé (dont 70% de blé dur et 30% de blé tendre). Selon une étude de l'Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen), l'Algérie a connu une progression rapide de la consommation de blé tendre utilisé pour le pain et la pâtisserie «avec l'occidentalisation du modèle de consommation». Une demande trop forte comparée aux disponibilités réelles. Les céréales occupent à peine un tiers des terres arables et plus de la moitié des exploitants agricoles. Mais on estime cependant que la moitié de la production est réalisée par des exploitations de taille modeste (moins de 50 ha). La production reste marquée par une forte irrégularité. «On est à 17q/h. C'est trop faible», observe Laala Boukhalfa, selon qui «il y a des zones de culture à fort potentiel qui ne sont pas exploitées». Une étude de l'Ipemed explique cette faiblesse aussi bien par des causes naturelles (sol et climat), que techniques (semences, pratiques culturales) qu'humaine (organisation et formation des producteurs). Pour réduire la facture d'importation, le ministère de l'Agriculture a prévu dans son plan d'action 2019 de doubler la production céréalière à près de 70 millions de quintaux et d'en finir complètement avec l'importation de blé dur. Cela serait notamment possible grâce à l'augmentation des surfaces irriguées, qui passeront de 230 000 hectares en 2016 à 600 000 hectares en 2019. Pour Akli Moussouni, expert agronome, il est possible de couvrir «les ¾ des besoins du marché national à condition de réduire d'environ de 50% les surfaces qui leur sont consacrées, mais en investissant dans la performance de celles qui seront cultivées pour atteindre des rendements élevés (plus de 50 q/ha)». Les surfaces abandonnées par les céréales seraient ensuite consacrées aux parcours pour les filières animales (ovine en particulier) Le lait en crise Même constat ou presque pour le lait, enclin à des crises cycliques, avec un taux de collecte qui reste faible, puisque seulement le tiers de la production laitière bovine est collectée (en 2012). A la fin des années 1960, les importations totales en lait couvraient 40% des disponibilités, pour une consommation qui atteignait les 50 litres équivalent lait /habitant. Aujourd'hui, elles en couvrent plus de 50 % pour une consommation par habitant qui a presque triplé à 147 litres équivalent lait/habitant. «Nous produisons environ trois milliards de litres pour des besoins estimés à 6 milliards», observe Laala Boukhalfa. Près de 30% des disponibilités laitières sont destinés à l'autoconsommation ou se retrouvent dans le circuit informel, selon les chiffres du ministère de l'Agriculture. On estime que le taux d'intégration du lait cru est autour de 15% en moyenne, entre laiteries privées et publiques. Pourtant, pour augmenter cette production et son intégration dans le processus industriel de fabrication du lait pasteurisé, le gouvernement a mis en place un système de primes destiné aux producteurs, aux collecteurs et aux transformateurs. Rien n'y fait. Selon Laala Boukhalfa, les subventions constituent «un frein au développement de la filière». Les investisseurs «n'investissent pas car ils ne peuvent pas concurrencer un prix administré de 25 dinars le litre. Ils ne veulent pas investir dans des vaches laitières puisqu'il y a la poudre et qu'elle est subventionnée». En 2013, les subventions à la poudre de lait ont atteint 30 milliards de dinars. Mais, c'est loin d'être la seule contrainte. Dans une étude de l'IAMB (Institut agronomique méditerranéen de Bari) datant de 2015, il est noté que 99% des exploitations laitières sont du type «familial et traditionnel ». En 2008, «plus de 95% des exploitations laitières comptaient moins de cinq vaches, alors que celles qui disposaient de plus de 50 vaches laitières ne représentent que de 0,3% du total». Selon la FAO, la taille des troupeaux reste relativement faible, avec 6 à 8 vaches laitières par exploitation. En 2012, on estimait que le bovin laitier de race importée représentait 28% de l'effectif total des vaches laitières et assurait environ 70% de la production totale de lait de vache. Pour Akli Moussouni, la filière agit encore dans l'«archaïsme» pour au moins 4 raisons : sous-alimentation du cheptel, générant une faible rentabilité laitière, la petitesse des exploitations face à des coûts de productions trop importants, infrastructures d'élevages d'un autre âge et enfin le manque de professionnalisme. Insuffisances Si Laala Boukhalfa pose le problème de l'adaptation des vaches importées au climat algérien, il évoque également la question de la disponibilité de l'alimentation devant répondre aux besoins du cheptel. Des études publiées entre 2009 et 2013 par des chercheurs algériens (Chehat, Soukhal) montrent une «insuffisance des ressources fourragères qui constitue un obstacle au développement de l'élevage bovin en Algérie», puisqu'elles ne couvrent que 50% des besoins annuels, alors que «plus des 2/3 des besoins protéiniques du cheptel sont couverts par des aliments concentrés». En gros, les superficies fourragères ne représentent que 9% de la surface agricole utile, au moment où l'industrie des aliments du bétail est dépendante des importations des matières premières, soulignent les études. Selon la FAO, les contraintes liées à la production laitière en Algérie sont nombreuses, citant notamment, la faible production de l'élevage bovin, un prix de revient à la production trop important, des ressources fourragères insuffisantes, un coût de l'alimentation du bétail trop élevé et une désorganisation des réseaux de collecte. Des contraintes que le gouvernement compte lever pour les besoins de la sécurité alimentaire. A l'horizon 2019, l'objectif tracé est de réduire à 0 % l'importation de poudre de lait destinée à la fabrication de produits dérivés. Il est aussi question de promouvoir l'intégration de la production locale du lait cru par l'élargissement de son marché aux produits laitiers dérivés et le renforcement des capacités de production du fourrage.