Si François Hollande a réussi à remettre de l'ordre dans les relations entre la France et l'Algérie, il ne sera pas allé au bout du chemin pour les apaiser définitivement. I l fallait pour le président François Hollande, élu en 2012, essayer d'appliquer ses promesses de premier secrétaire du Parti socialiste, sans brusquer ceux qui refusent toute idée de mise à plat du contentieux historique quant à la brutalité de la colonisation française en Algérie. Alors qu'il aborde ces derniers mois de présidence et qu'il ne se représentera pas, on peut dire que le président français aura aplani les contentieux au début de son quinquennat tout en froissant l'Algérie dans sa dernière année. Revenons au début : le 20 décembre 2012, alors qu'il entame sa visite officielle en Algérie, six mois après sa prise de fonction, François Hollande reconnaît «les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien», devant les parlementaires algériens. Il ne craint pas de convoquer devant le tribunal de l'histoire «les massacres de Sétif, de Guelma et de Kherrata» dont il affirme qu'ils «demeurent ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens». Il qualifie, au passage, le système colonial de «profondément injuste et brutal». Du jamais entendu ! Hélas, le chemin de la reconnaissance en actes forts était encore loin et semé d'embûches. Le texte de la Déclaration d'Alger, signée par les présidents Bouteflika et Hollande, remet cependant tout à plat. Ainsi lit-on dans le préambule : «La France et l'Algérie sont déterminées à ouvrir un nouveau chapitre de leurs relations, cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie. Les deux parties partagent une longue histoire et ce passé a longtemps alimenté entre nous des conflits mémoriels auxquels il est nécessaire de mettre un terme. Elles doivent, pour cela, regarder le passé en face, ensemble, avec lucidité et objectivité, tout en recherchant une voie originale permettant une lecture objective de l'histoire».Un langage nouveau. Après les cinq ans de pouvoir de son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy (lui aussi désormais renvoyé de la vie politique), le président socialiste François Hollande ouvrait donc de nouvelles perspectives avec l'Algérie. Même s'il affirmait ne pas vouloir «faire repentance ou des excuses» : «Je viens dire ce qu'est la vérité, ce qu'est l'histoire.» Devant les journalistes, il disait encore : «J'ai toujours été clair sur cette question : vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées.» Tout semblait ainsi maîtrisé, à l'image des présidents Hollande et Bouteflika empruntant à pied les boulevards algérois pavoisés aux couleurs algériennes et françaises. Pourtant, si les relations tous azimuts pouvaient s'engager tous secteurs confondus, la démarche n'alla pas plus loin. En tout cas, cela permit des échanges d'ampleur jamais vue, avec un véritable pont aérien de ministres français venus en Algérie durant cette période de 2012 à 2016, pour concrétiser le partenariat signé au plus haut niveau franco-algérien. Dans l'autre sens, la venue en France de plusieurs ministres algériens, en visites officielles, s'est accrue comme jamais. Par la suite, les pointes d'humeur ne pouvaient pas manquer d'apparaître. Du capital de sympathie à l'incompréhension On ne parlera pas ici de l'intervention militaire française dans le Sahel, aux portes de l'Algérie, pour contrer l'avancée djihadiste. Ce fut le premier moment de tension où fut mis à l'épreuve le nouvel état d'esprit de coopération entre la France et l'Algérie. Par contre, la volonté, finalement écartée, d'inscrire dans la Constitution la déchéance de la nationalité pour les binationaux coupables d'actes terroristes agita le microcosme politique hexagonal et traversa ardemment la Méditerranée. Hollande, qui avait un capital de sympathie jusque-là, suscita l'incompréhension. La vox populi algérienne rejoignait alors l'état d'esprit franco-français : François Hollande n'avait pas été élu pour ça. Jeudi soir, au moment de jeter l'éponge, il regretta publiquement d'avoir proposé cette disposition législative, qui avait irrité la communauté algérienne en France qui s'est sentie, à tort ou à raison, mise au ban de la citoyenneté. Enfin, il est deux sujets «algériens» qui révélèrent les tensions qui continuent de peser en France, avec des rebonds en Algérie. François Hollande les a réveillés. Le premier a trait aux harkis. Lors de la journée d'hommage du 25 septembre 2016, inscrite dans le calendrier combattant en France, le président Hollande avait froissé quelques susceptibilités : «Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans (...) les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d'accueil inhumaines de ceux transférés en France.» Ce terme de massacres a suscité maints commentaires alors que la question de la reconnaissance des massacres coloniaux entre 1830 et 1962 n'a pas évolué d'un iota sous la présidence Hollande. Le dernier sujet franco-français est celui du 19 Mars, date du cessez-le-feu en Algérie. Aucun chef d'Etat n'avait jamais honoré physiquement cette commémoration. François Hollande l'a fait cette année, avec une levée de boucliers de la sphère «Algérie-française» encore virulente sur l'échiquier politique de droite. Dans une langue de coton, il estime que «si on veut taire, occulter ce qui s'est produit, alors on fait resurgir les frustrations, les colères, et les douleurs. (...) L'histoire doit reconnaître les blessures mais ne pas blesser davantage». Moins langue de bois, il parle de la «somme de violences à l'égard du peuple algérien qui était colonisé». Le reste de son propos fut plus sujet à polémique, abordant la thématique chère aux révisionnistes que les «massacres qui ont eu lieu. Quand on parle du 19 Mars, on sait (que) c'est la fin de la guerre d'Algérie, mais c'est aussi le début d'un certain nombre de massacres, dont les pieds-noirs ou les harkis ont été victimes»… Cette prise de parole occultait les responsabilités, notamment de l'OAS, dans la fin sanglante des derniers mois avant l'indépendance. Au lieu de se maintenir dans la détente de son début de mandat, en voulant complaire à tous, François Hollande a fâché en Algérie ceux qui ont la mémoire toujours à vif.