Chaque année, un coup de projecteur est orienté sur la situation des droits de l'homme à la faveur de la célébration de la Journée internationale des droits humains. Et chaque année, le lot d'atteintes à la dignité humaine et au droit à l'expression libre ne connaît pas de courbe descendante. «Nous constatons une très grande régression sur les libertés fondamentales», souligne Hassina Oussedik, directrice du bureau d'Amnesty International (AI) en Algérie. Dans une conférence de presse tenue hier à l'occasion de la Journée internationale des droits humains, Mme Oussedik a souligné que le bilan 2016 n'est pas réjouissant. La représentante d'AI regrette que la réforme de la Constitution n'ait pas été à la hauteur des attentes. «Concernant les libertés fondamentales, on estime que l'article 41 ter devrait être revu car dans son énoncé en référence au respect des constantes et valeurs religieuses, culturelles et morales de la nation, il permet aux autorités une large interprétation… Toute opinion dissidente peut entrer sous le coup de l'atteinte aux constantes et valeurs de la nation, ce qui fait qu'un certain nombre de personnes peuvent être harcelées et interpellées pour le simple fait d'avoir exprimé une opinion», indique Mme Oussedik. Se référant à la disposition de la résolution non contraignante des Nations unies sur le respect des défenseurs des droits humains, ratifiée par tous les Etats, la représentante d'AI estime que l'Algérie ne facilite aucunement le travail de défense des droits de l'homme. Bien au contraire, dit-elle, les défenseurs des droits humains sont poursuivis et harcelés qu'il s'agisse des avocats, des journalistes ou des militants associatifs. La représentante d'AI cite les cas des journalistes Mohamed Tamalt et Hassan Bouras, emprisonnés pour avoir exprimé des opinions. «Nous demandons leur libération car il s'agit de prisonniers d'opinion», dit-elle, en citant aussi le cas de militants associatifs arrêtés à Tamanrasset. «Il y a eu des violations des libertés fondamentales qui sont graves», estime Mme Oussedik. Interrogée sur le refoulement de migrants subsahariens, la représentante d'AI a relevé leur caractère collectif : «Ce que l'on regrette par rapport à ces incidents, tels que relatés dans les comptes rendus des médias, c'est qu'il s'agit de mesures collectives sans prendre le soin d'étudier chaque cas… Il peut y avoir des réfugiés politiques parmi ces migrants. Les refouler est une grave atteinte aux droits fondamentaux de ces personnes. De plus, il y a parmi ces populations de migrants des groupes vulnérables, comme les femmes, les enfants et les personnes malades qui méritent une protection particulière», indique Mme Oussedik, en notant que sur cette question, il y a eu un manque de discernement : «Il est regrettable que le pays, qui hier était un exemple pour les pays africains, traite ainsi ces migrants.» L'oratrice relève une lueur d'espoir dans la mobilisation des jeunes pour lutter contre les injustices. «Malgré les contraintes, la société civile est extrêmement dynamique, notamment les jeunes qui sont présents dans différentes actions sur le terrain dans un esprit de solidarité et d'engagement pour les droits humains, même à l'international. Cela témoigne d'une grande maturité et d'ouverture d'esprit», note la responsable d'AI. D'ailleurs, à l'instar de nombreux pays, l'Algérie, à travers le bureau d'AI, s'est engagée dans le cadre du marathon des lettres «Ecrire pour les droits» en faveur des personnes emprisonnées, persécutées et torturées à travers le monde pour leurs opinions. «Cette année encore, nous appelons les Algériennes et Algériens à nous rejoindre afin d'exprimer leur solidarité et contribuer à changer la vie de ces individus», lance Mme Oussedik. Dans une vingtaine de wilayas, des jeunes sont mobilisés pour la collecte de signatures en faveur de la libération du photographe égyptien Shawkan, de l'avocat turc Eren Keskin, du lanceur d'alerte Edward Snowden et des jeunes Azerbaidjanais Bayram et Gyas.