Les entreprises commerciales publiques et privées sont des personnes morales régies par le code de commerce. Leur existence ne fait pas écran à la responsabilité personnelle de leurs administrateurs et cadres dirigeants. Les multiples prises de décisions assumées quotidiennement par les dirigeants des grandes entreprises et des PME à l'occasion de leurs activités, sont susceptibles de les exposer à la mise en cause de leur responsabilité professionnelle et personnelle. L'acceptation de fonctions de direction en qualité de dirigeants de fait ou de droit leur fait donc courir un risque non négligeable de devoir répondre dans certains cas, des réclamations de tiers lésés ou des dettes de la société sur leur patrimoine propre. Il s'agit d'un risque méconnu qui devrait inciter les entreprises et leurs dirigeants vers davantage de prévention et à plus de prudence, dans la mesure où il peut avoir des conséquences graves sur : - la perte du patrimoine personnel du dirigeant ; - le traumatisme causé sur le plan professionnel, familial et personnel par la mise en cause d'une vie de travail et d'une réputation professionnelle ; - des sanctions pénales et fiscales. Ce risque concerne tous les mandataires sociaux de droit ou de fait de quelque nature que ce soit. Sont considérés comme dirigeants de droit : - les présidents de conseil d'administration ; - les administrateurs ; - les membres du directoire et leur président ; - les directeurs généraux ; - les gérants et associés des Sarl… Est considéré comme dirigeant de fait toute personne physique qui verrait sa responsabilité engagée par un tribunal ou toute personne physique recherchée pour une faute professionnelle commise dans le cadre d'une activité de direction, de gestion ou de supervision exercée avec ou sans mandat ou délégation de pouvoir. Les risques pouvant engager la responsabilité personnelle des dirigeants d'entreprises peuvent résulter de faits ou d'actes tels que : - le non-respect des statuts et des engagements de la société : - les conflits d'intérêt ; - la distribution abusive de dividendes ; - les erreurs sur des investissements lourds et inadaptés ; - le non-respect de la réglementation sociale, fiscale et de la sécurité dans l'entreprise ; - la vente à perte de biens appartenant à la société ; - l'environnement ; les fautes de gestion ayant porté préjudice à la société… FONDEMENTS DE L'ACTION EN RESPONSABILITE CIVILE DES MANDATAIRES SOCIAUX En droit algérien, les différents cas de mise en cause de la responsabilité personnelle des dirigeants et mandataires sociaux reposent sur les textes réglementaires de droit commun et commercial. Le code civil dans ses articles 124,136 et 138 impose l'obligation de réparation des dommages causés à autrui par le fait fautif de l'homme et de la chose dont il a la garde, le contrôle et la direction. Cette responsabilité relève également du Code de commerce, notamment dans ses articles suivants : - Article 578 traitant de la responsabilité individuelle et solidaire des gérants de Sarl à l'égard des tiers et de la société, du fait des fautes commises par eux dans leur gestion et suite aux violations des dispositions du code de commerce et des statuts. - Article 715 bis 23 mettant en exergue la responsabilité individuelle et collective des fondateurs et des administrateurs d'une SPA vis-à-vis de la société, de ses actionnaires et des tiers lésés, par suite de fautes de gestion et d'infractions aux règlements et statuts ayant entraîné son annulation ou sa faillite. - Article 715 bis 24 qui donne la latitude aux actionnaires lésés d'engager une action sociale en responsabilité à l'encontre des administrateurs fautifs, pour la réparation des préjudices subis par la société. - Article 715 bis 28 du décret législatif n°93/08 du 25 avril 1993 qui précise que les membres du directoire sont responsables du passif social, cas de faillite ou de règlement judiciaire de la société. Sur le plan pénal, les fautes pouvant être commises sont l'omission ou la violation volontaire ou non de la loi, entraînant des infractions à la réglementation en vigueur et des dommages aux tiers et à la société. La mise en cause de la responsabilité personnelle des dirigeants peut être déclenchée par les actionnaires, les pouvoirs publics, le parquet, les autorités fiscales, ou toute personne morale ou physique s ‘estimant lésée par leurs erreurs de gestion. L'ASSURANCE RESPONSABILITE DES MANDATAIRES SOCIAUX L'objectif de cette assurance consiste à tranquilliser les dirigeants dans leurs décisions quotidiennes et à encourager leur esprit d'initiative. En effet, ces derniers sont investis de larges pouvoirs pour agir au nom de la société et dans son intérêt économique. Dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, leur responsabilité personnelle peut être engagée par les divers partenaires qui s'estiment lésés financièrement par certaines de leurs décisions. Dans ces cas, leur patrimoine personnel est directement exposé. Devant l'internationalisation des échanges et le développement des exigences des différents acteurs économiques (consommateurs, actionnaires minoritaires, associations…) dans les pays anglo-saxons et européens, les actions en réclamation au titre de la responsabilité civile des mandataires sociaux se sont multipliées sous l'influence de l'actualité et des «affaires». L'environnement économique, mis à mal par la récession et les scandales boursiers, a engendré de nouveaux risques et de multiples formes de requérants. Les exigences des actionnaires deviennent de plus en plus fortes et ont conduit, dans certains pays occidentaux, à la création de nombreuses associations d'actionnaires minoritaires. Ces dernières années, la mise en cause pénale des dirigeants à la suite de réclamations émanant d'actionnaires, de salariés ou de tiers a sensiblement augmenté dans ces pays. En raison de la «facilité» pénale offerte par leur législation, la mise en cause du dirigeant sera d'abord pénale, puis dans un deuxième temps civile si le demandeur peut obtenir une condamnation pénale. Devant la recrudescence des risques liés à cette responsabilité, les chefs d'entreprise ont adopté des actions de prévention en ayant recours aux conseils de leurs avocats avant la prise de toute décision importante. D'un autre côté, pour répondre aux besoins exprimés par les dirigeants d'entreprises, les assureurs occidentaux ont conçu une assurance spécifique RC mandataires sociaux qui est tout à fait distincte de celle qui couvre la responsabilité civile générale de l'entreprise, dans la mesure où les intérêts à protéger ne sont pas les mêmes. Le souscripteur est l'entreprise à laquelle appartiennent les dirigeants à protéger et non ces derniers. La responsabilité garantie pourra être de nature contractuelle et quasi-délictuelle. Objet et étendue de l'assurance RC mandataires sociaux Cette assurance couvre les mandataires sociaux contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qu'ils encourent du fait de fautes, erreurs, oublis, omissions, inexactitudes, fausses interprétations des textes légaux ou réglementaires commises personnellement ou solidairement dans l'exercice de leurs fonctions au sein de l'entreprise et de ses filiales, à l'égard des tiers (clients, fournisseurs, créanciers, salariés, administrations…) et des actionnaires. Les conséquences financières de cette responsabilité peuvent être imputables à des dommages matériels, immatériels et corporels ayant entraîné des actions judiciaires ou amiables de la part des personnes lésées, et aux frais engagés pour la défense devant les tribunaux des dirigeants mis en cause pendant la validité du contrat. Deux catégories de coûts sont prises en charge par l'assurance : - les dommages et intérêts, règlements et autres frais que l'assuré est tenu de payer suite à une réclamation ; - les frais consécutifs à l'examen du dossier et à la défense de l'assuré. La prime d'assurance L'entreprise paie la prime d'assurance. Son montant varie notamment en fonction de l'importance du bilan, du chiffre d'affaires, de la nature de l'activité exercée, des ramifications de la société, des montants et limites des garanties. Exclusions de la garantie - Les fautes relevant du domaine pénal qui sont inassurables pour des raisons d'ordre public. - Les fautes intentionnelles commises par les dirigeants durant leurs activités. - Les fautes antérieures à sa souscription du contrat. - Les conséquences des engagements et des obligations incombant à l'entreprise. Conclusion Dans le contexte algérien, l'assurance de la responsabilité civile des mandataires sociaux est encore méconnue en raison des facteurs suivants : - la rareté des réclamations en responsabilité devant les tribunaux mettant directement en cause la responsabilité personnelle des cadres dirigeants avec des poursuites dans leurs patrimoines propres ; - l'absence d'un mouvement consumériste pouvant inciter les tiers lésés par une partie quelconque à réclamer automatiquement leurs droits devant les tribunaux à n'importe quelle entité, fut-elle une institution publique, comme c'est le cas dans les sociétés occidentales ; - la confusion entre cette responsabilité et celle liée à l'exploitation de l'entreprise elle-même. Néanmoins, il est possible que le besoin en ce type de couverture commence à se développer auprès des entreprises sous l'impact de certaines affaires et conflits commerciaux entre dirigeants et associés des sociétés. Ces dernières pourront assurer leurs cadres dirigeants dans le but de les sécuriser et libérer leurs initiatives dans leur prise de décisions. A. Hadj Mahammed Directeur général de GAM Assurance