Des caméras de surveillance, des agents de la DGSN, des paramètres de sécurité aux alentours des écoles… un dispositif de sécurité mis en place pour limiter la violence scolaire. Constat : la violence est toujours présente dans nos écoles… «Une stratégie nationale de sécurisation des établissements scolaires est en voie d'élaboration pour parvenir à une meilleure sécurisation des élèves, des enseignants et des différentes structures de l'éducation nationale.» La ministre de l'Education nationale était ferme mardi passé depuis Béchar. Statistiquement, la DGSN a recensé pour le mois de septembre 36 cas de violence dont 25 à l'intérieur des écoles. En octobre, il y a eu 40 cas, dont 32 à l'intérieur aussi. En moyenne, 25 faits de violence sont commis chaque semaine. En deux mois (septembre et octobre), les services de police ont enregistré 76 cas de violence en milieu scolaire, dont 57 à l'intérieur des établissements scolaires. C'est le moyen et le secondaire qui sont plus touchés, selon le lieutenant principal Mohamed Seddaki, directeur du bureau de la prévention routière et chargé de la communication à la DGSN. «Nous constatons que dans certains cas, cette violence est commise par les élèves entre eux, et dans d'autres envers les professeurs», affirme-t-il encore. Cependant, la violence ne se limite pas aux grandes villes. Certaines idées reçues sur la violence scolaire sont à bannir. Les réseaux sociaux sont aussi incriminés. «A cause de l'influence des réseaux sociaux, les jeunes dans tout le pays agissent de la même manière», ajoute le lieutenant principal. Rigueur Bachir Hakem, enseignant et porte-parole nationale du CLA, contredit une idée reçue : il faut être souple pour éviter la violence. Non : la suppression de l'autorité pédagogique de l'éducateur «a permis d'importer tous les maux de la société algérienne et internationale à l'intérieur et aux alentours des établissements scolaires. Les résultats de cette suppression ont engendré des effets, car maintenant, l'élève fume devant son professeur, à l'extérieur et parfois à l'intérieur de l'établissement, consomme de la drogue et la vend, se promène armé, répond à son professeur avec agressivité, ou tout simplement n'accepte aucune autorité.» D'un point de vue sociologique, cela est dû à l'absence des liens sociaux. Plus les liens sociaux sont solidaires, moins il y a de problèmes et vice versa. Noureddine Hakiki, sociologue, affirme : «En parcourant le processus du système scolaire algérien, tous niveaux confondus, on se rend rapidement compte que l'idéal d'une école sereine, déroulant sans violence ses apprentissages loin des tourbillons de l'agression ordinaire ou de la violence et des décrochages extraordinaires, ne relève plus de la réalité. Les éducateurs n'éduquent plus sans problème, nos enseignants n'enseignent plus sans résistance, nos apprenants ne passent plus leur temps à apprendre le plus naturellement et le plus facilement du monde.» Pour lui, «la violence et le décrochage dans le monde scolaire constituent aujourd'hui des défis pour les différents systèmes éducatifs des sociétés en voie de développement. Ils sont étroitement liés, car ils interrogent la notion du lien social mais aussi celle du risque. Ces deux mots rencontrés à l'école n'en restent pas moins une véritable préoccupation pour les pouvoirs publics algériens». Selon l'étude sociologique expérimentée dans le laboratoire du changement social de l'université d'Alger II, éditée à Bruxelles sur le thème «La violence scolaire : acteurs, contextes, dispositifs. Regards croisés France-Maghreb», la violence à l'école est devenue un véritable phénomène social. «Elle est caractérisée au départ par une série de petites agressions qui apparaissent comme protéiforme. La violence physique, crime, suicide, dégradation des biens matériels, absentéisme, échec, décrochage, risque de vulnérabilité, marginalisation… Cette violence se manifeste dans les établissements scolaires mais aussi dans les institutions scolaires. Si elle est une affaire d'élèves, elle est aussi une affaire d'enseignants. Plurifactorielle et processuelle, elle touche les apprenants mais également les performants de l'autorité pédagogique.» Et de poursuivre : «Quant au décrochage scolaire, c'est-à-dire l'arrêt des études, il se manifeste alors que le phénomène de massification se poursuit, un vrai problème en Algérie, la sortie des études se fait plus tardive, les jeunes sont de plus en plus pris en charge par les dispositifs publics.» Par ailleurs, d'après la recherche de Noureddine Hakiki, «s'il y a environ 8,6 millions d'élèves inscrits dans les établissements scolaires, plus de 200 000 sont considérés comme des ‘‘décrocheurs'' de tous les systèmes éducatifs. Cependant, même si l'école d'aujourd'hui est démunie par des rapports conflictuels et de désordre scolaire, elle semble laisser apparaître à travers sa violence permanente, l'ensemble des stratifications sociales, mobilités sociales en plus des conflits sociaux, politiques, économiques, moraux… qui traversent la société dans sa totalité». Chic A bannir aussi une autre idée reçue : les élèves des quartiers aisés sont ceux qui décrochent le plus souvent et sont les plus violents. C'est une étude qui le prouve. Suite à l'enquête de terrain faite sur deux lycées pris comme échantillons, le premier d'un quartier populaire et le second d'un quartier résidentiel, fréquenté par la tranche de la société la plus aisée, les résultats ont montré que les élèves relevant des quartiers populaires les plus défavorisés sont moins violents, décrochent moins et sont plus disciplinés que ceux des lycées fréquentés par les fils de familles aisées, de gouverneurs, d'entrepreneurs et d'hommes d'affaires… «Nous avons constaté à travers nos enquêtes que les élèves issus d'une couche défavorisée ne sont pas en majorité des ‘‘décrocheurs'' et ne sont pas violents à l'école. Parce que nous avons relevé que les absences répétées, la violence, la marginalisation, la consommation de drogue, l'insolence, l'incivilité vis-à-vis de l'enseignant sont plus marqués chez les élèves des familles aisées (46% contre 24% des enfants issus de familles défavorisées)», souligne-t-il. Pour sa part, le docteur Mohamed Ferdjani, psychologue clinicien spécialiste de la psychologie de la santé, élimine aussi certaines idées reçues. Un enfant, qui grandit sans sa grande famille (tante, oncle et grands-parents) devient avec le temps violent. «C'est un enfant sans repère. La famille, qui ne reçoit pas d'invités et qui est refermée sur elle, construit un enfant violent», explique le psychologue. Pour ce dernier, les psychologues mis à la disposition des élèves des classes d'examen devraient être aussi disponibles pour tous les autres. «Comme solution, j'appelle à l'intervention de psychologues spécialistes dans les établissements scolaires, en commençant par les écoles primaires. Aussi, j'appuie sur la communication et d'accorder à l'enfant plus d'importance dans son entourage. Quand la famille communique et est bien soudée, le comportement de l'enfant est meilleur. Le rôle de la famille est de retourner à nos traditions et nos origines dans la communication, les visites familiales, la convivialité, l'amour et le partage… cela va contribuer à fonder une génération meilleure», conclut M. Ferdjani.