Quelques heures à peine après le vote à l'unanimité, dimanche, par le Conseil de sécurité de l'ONU, du projet de résolution de la France sur l'envoi à Alep (Syrie) d'observateurs internationaux pour superviser l'opération d'évacuation des civils pris en otages dans l'enfer du déluge de feu qui s'abat sur la ville, la Turquie et l'Allemagne ont été ébranlées tour à tour, lundi, par de violents attentats. Le premier ciblant l'ambassadeur russe à Ankara, Andreï Karlov, et le second un marché de Noël à Berlin qui a fait, selon un dernier bilan, 12 morts et une quarantaine de blessés. S'agissant de l'assassinat du diplomate russe, les mots de vengeance des martyrs d'Alep lancés par l'assassin présumé, un policier turc, en accomplissant son forfait dans une galerie d'art à Ankara, offrent des pistes aux enquêteurs pour identifier les commanditaires. C'est d'ailleurs l'engagement solennel pris par le président russe, Vladimir Poutine, qui a exigé que les services de renseignement de son pays soient pleinement associés à l'enquête. Même si le crime semble clairement signé, compte tenu de l'engagement militaire russe en Syrie aux côtés du régime de Bachar Al Assad contre l'Etat islamique, Moscou veut avoir le cœur net que le coup n'est pas venu d'ailleurs. Pour avoir dérangé les plans des grandes puissances depuis qu'elle s'est résolue à reprendre sa place parmi les grands de ce monde qu'elle a perdue à la suite du démantèlement de l'empire de l'ex-URSS avec l'arrivée de Poutine aux commandes, la Russie sait qu'elle doit se préparer à faire face à une adversité accrue. La dernière déclaration du président sortant américain, Barack Obama, ironisant sur la puissance de la Russie qualifiée de «petit pays ne produisant que du pétrole et du gaz» ne doit pas être comprise comme une simple réaction de dépit des démocrates après l'échec de leur candidate Hillary Clinton à l'élection présidentielle américaine ; échec imputé à la Russie accusée d'avoir aidé à l'élection de Donald Trump. Le rapprochement entre Moscou et Ankara dérange aussi beaucoup d'intérêts, qui redoutent que la Turquie d'Erdogan tombe dans le giron russe après avoir échoué dans son entreprise fantasmagorique d'adhésion à l'Union européenne. A qui profite l'assassinat du diplomate russe ? L'attentat de Berlin — perpétré selon le même mode opératoire que celui de Nice en France, à l'aide d'un camion pas aussi fou que cela lancé sur les promeneurs — puise-t-il sa source dans les mêmes contingences géopolitiques menant au bourbier syrien ? Après une série d'attentats manqués ou sans grande gravité, l'Allemagne, qui pensait naïvement être immunisée par sa Constitution qui lui interdit tout interventionnisme militaire à l'étranger, se réveille brutalement de ses fausses certitudes après le macabre cadeau de Noël envoyé aux Berlinois. Dans un raccourci que seul Donald Trump, le nouveau locataire de la Maison-Blanche, est capable, celui-ci a confessé, reprenant à son compte la thèse éculée sur «le choc des civilisations» chère à Samuel Huntington que «l'Etat islamique et les terroristes islamistes attaquent continuellement les chrétiens dans leurs communautés et leurs lieux de cultes». Est-il besoin de rappeler que les victimes de Daech et autres groupes fondamentalistes, partout où ces mouvements sèment la mort dans le monde, en terre musulmane ou non, sont aussi, pour ne pas dire en majorité, des musulmans ? Le terrorisme, c'est désormais établi, n'a ni religion, ni frontière, ni nationalité.