Il y a une année, jour pour jour, disparaissait le dernier historique, Hocine Aït Ahmed, président du plus vieux parti de l'opposition, le Front des forces socialistes (FFS). L'homme de Bandung a eu des obsèques à la hauteur de son long parcours, de son infatigable combat pour l'Algérie et la démocratie. Refusant avant sa mort les funérailles officielles, comme un dernier acte de son combat, un dernier baroud d'honneur contre un pouvoir machiavélique prêt à faire des honneurs même à ceux qu'il a combattus, étouffés et forcés à l'exil, Aït Ahmed a eu droit à un hommage planétaire, forçant même le respect de ses adversaires. C'est à l'âge de 16 ans que ce natif d'Aït Yahia, en Grande-Kabylie, a rejoint les rangs du Parti du peuple algérien (PPA). Il était alors le plus jeune membre du comité central. Deux ans plus tard, il a présenté, lors de la réunion de ce dernier, en 1948 à Belcourt, à Alger, un rapport sur la lutte armée pour l'indépendance de l'Algérie, esquissant la mise en place de l'Organisation secrète (OS) qu'il a dirigée après la disparition précoce du grand militant Mohamed Belouizdad. En 1949 déjà, il a été l'auteur du célèbre braquage de la poste d'Oran. Il a été cité au procès de Bône en 1950, après une vague d'arrestations de militants de l'OS. Recherché par les autorités coloniales, Aït Ahmed s'exile au Caire, la capitale égyptienne, où il s'installe en 1952. Commence alors son périple diplomatique pour gagner des soutiens internationaux à l'indépendance de l'Algérie. De Rangoon en Birmanie à l'ouverture du bureau du Front de libération nationale (FLN) à New York (Etats-Unis) en passant par la conférence de Bandung, Hocine Aït Ahmed a fait un travail de fourmi au bénéfice de la lutte des Algériens pour l'indépendance de leur pays. C'est en septembre 1956 qu'il a été arrêté par les autorités françaises, en compagnie de Mustapha Lacheraf, Mohamed Khider, Ahmed Ben Bella et Mohamed Boudiaf, qui ont détourné l'avion qui les conduisait du Maroc à la Tunisie. Militant de la première heure, entièrement engagé pour l'indépendance de l'Algérie, le défunt a été le seul membre de la délégation de l'extérieur à avoir soutenu le Congrès de la Soummam tenu le 20 août 1956. A sa sortie de prison, à l'indépendance de l'Algérie, en 1962, Aït Ahmed dénonce le coup d'Etat de l'armée des frontières contre le Gouvernement provisoire (GPRA), d'où il démissionne. Militant acharné pour le pluralisme et la démocratie, il créa le Front des forces socialistes en 1963, et lança une action armée, dans les maquis de Kabylie, contre le régime de Ben Bella. Arrêté et condamné à mort en 1964, Aït Ahmed s'évade de la prison d'El Harrach en mai 1966. Il s'exile en Suisse où il a continué son militantisme et son opposition au régime de Boumediène puis de Chadli dans les années 1980. Il rentre au pays en décembre 1989, après l'ouverture démocratique rendue possible par la révolte d'Octobre 1988. Le leader du FFS s'opposa à l'arrêt du processus électoral en janvier 1992. Il a organisé une marche historique qui avait pour slogan «ni Etat policier ni République intégriste». Aït Ahmed quitta le pays après l'assassinat de Mohamed Boudiaf, dirigeant alors du Haut Conseil d'Etat. En 1995, alors que le pays était à feu et à sang, il signa le contrat de Rome qui préconisait une sortie négociée de la crise avec les dirigeants du Front islamique du salut (FIS) dissous par décision de justice. Le leader du FFS dirigera son parti depuis l'étranger jusqu'en 1999, où il est rentré de nouveau au pays pour participer à l'élection présidentielle qui a permis à Abdelaziz Bouteflika de prendre le pouvoir en Algérie. Hocine Aït Ahmed repartira après un coup d'éclat politique qui a consisté en le retrait de six candidats à l'élection présidentielle, laissant Abdelaziz Bouteflika seul candidat à la magistrature suprême. Le défunt reprendra le chemin de l'exil avec toutes les conséquences qu'aura eu sa gestion à partir de Lausanne du vieux parti de l'opposition. Le FFS a connu beaucoup de crises du temps où son président était encore en vie. Si le défunt n'a pas pu ou n'a pas su organiser la transition générationnelle du parti, ceux qui le gèrent aujourd'hui l'exposent visiblement à des secousses qui ne manqueront pas de lui faire tort. Qu'à cela ne tienne, le défunt Hocine Aït Ahmed a été un artisan de l'indépendance algérienne, un infatigable opposant au régime en place, il faut l'apprécier à sa juste valeur à l'occasion du premier anniversaire de son décès.