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Le parcours inachevé d'un parti atypique
Front des forces socialistes
Publié dans El Watan le 22 - 12 - 2016

Le lancement de ce parti était un défi — non sans risques — contre le régime du parti unique. Il allait entraîner un bras de fer violent avec le pouvoir.
Sa création en septembre 1963 était un acte fondateur de la lutte pour la démocratie dans une Algérie indépendante vite mise sous contrôle autoritaire du régime Ben Bella-Boumediène. Fondé par des chefs politiques et militaires issus du combat indépendantiste, à sa tête son chef historique Hocine Aït Ahmed et son compagnon, le colonel Mohand Oulhadj, le FFS inscrit son combat dans la continuité de la lutte de Libération nationale confisquée, l'instauration de la démocratie et la consécration de la souveraineté populaire.
Le lancement de ce parti était un défi — non sans risques —contre le régime du parti unique. Il allait entraîner un bras de fer violent avec le pouvoir, qui n'a pas hésité à envoyer son armée en Kabylie pour écraser le parti et ses militants déjà épuisés par sept longues années de guerre contre l'armée coloniale. Ces derniers opposèrent une résistance héroïque.
Le conflit dura deux ans, provoquant plus de 400 victimes parmi les militants du FFS, des emprisonnements, la clandestinité, l'exil et des assassinats politiques. L'accord signé le 15 juin 1965 entre le FLN et le FFS, qui reconnaît à ce dernier le statut de parti d'opposition, n'a pas tenu longtemps. Trois jours seulement. Le colonel Boumediène renverse Ben Bella et l'étau se resserre sur les compagnons d'Aït Ahmed — Ali Mecili, Abdelhafid Yaha, Mouhoub Ait Oumaouche condamnés à l'exil et au bannissement — et fait avorter la première tentative du pluralisme politique dans le pays.
Mais sans parvenir à anéantir l'esprit de résistance qui animait les militants du FFS. C'est dans ces conditions historiques de violence que naît le premier parti politique opposant une résistance dans la clandestinité à un régime hégémonique. C'est le départ d'une aventure d'un parti politique atypique. A la dictature du pouvoir, le FFS oppose une résistance indomptable. Au cœur de son projet politique, l'instauration d'un régime politique démocratique qui tire sa légitimité de la souveraineté populaire garantissant les libertés démocratiques, collectives et individuelles.
La fondation d'une Algérie moderne qui passerait par l'élection d'une Assemblée constituante. Idéologiquement, le FFS se réclamait de gauche tendance socialisme démocratique par opposition au stalinisme du tandem Ben Bella-Boumediène. Le parti n'a pas inscrit dans son action immédiate la prise de pouvoir, mais plutôt forgé une conscience politique dans une société soumise par une redoutable Sécurité militaire au service d'un pouvoir omnipotent. Durant les années Boumediène, c'est le règne de la terreur.
Les seuls endroits où il était possible de croiser les opposants étaient l'exil ou le bagne. Certains l'ont payé de leur vie. Cela n'a pas empêché l'émergence d'une deuxième génération du FFS qui allait lui donner un nouveau souffle. Sous la conduite de l'avocat Ali Mecili et à partir de 1978, des jeunes militants, pour la plupart à peine sorti de l'université et au péril de leur vie, vont donner une deuxième naissance au FFS.
Les frères Said et Hend Sadi, Said Khelil, Rachid Halet, Mouloud Lounaoussi, Mohamed Stiet, El Hachemi Naït Djoudi et d'autres camarades relancent l'activité du parti en jouant un rôle central dans le Printemps d'avril 1980. Avec d'autres militants démocrates, ils sont envoyés devant la Cour de sûreté de l'Etat qu'ils affrontent avec bravoure.
Cinq ans après, certains d'entre eux retournent en prison à la suite de la création de la Ligue des droits de l'homme. Le parti reprend l'initiative politique en opérant un rapprochement avec l'ennemi d'hier, Ahmed Ben Bella, qui a abouti à la Conférence de Londres. Ali Mecili, qui joua un rôle décisif dans cette démarche, en paie le prix ; il est assassiné à Paris le 7 avril 1987. Un coup dur pour le parti et pour la démocratie.
La gloire de la lutte clandestine et le revers de la légalité
La révolte d'Octobre 1988, aboutissement d'un long processus d'accumulation de luttes politiques, allait mettre fin au régime du parti unique. Le FFS retrouve enfin le droit à une existence légale. Le retour de son chef exilé, Hocine Aït Ahmed, a suscité un enthousiasme démocratique énorme. De nombreux jeunes cadres, intellectuels, universitaires, femmes, syndicalistes vont trouver dans ce parti l'espace naturel pour mener le combat démocratique. Mais vite la courte aventure démocratique tourne au cauchemar. Interruption du processus électoral de 1991, basculement dans une violence générale où il n'était plus possible de faire de la politique.
Le FFS tente le chemin de la raison. Il fait de «ni Etat policier ni Etat intégriste» son mot d'ordre dans un combat à armes inégales. Une troisième voie violemment combattue. Evoluant dans une crise nationale globale, le parti d'Aït Ahmed ne pouvait pas échapper à des crises internes pour des raisons objectives mais parfois subjectives. Les années 1990 ont eu un impact considérable sur la vie du parti. Nombre de ses valeureux cadres et militants sont exclus cycliquement.
De crise en crise, il se vidait de ceux qui ont fait la gloire d'un parti à part. 53 ans après sa fondation, le FFS a fini par renoncer à ce qui constituait sa doxa comme la Constituante, la laïcité, les valeurs de gauche, la critique radicale du régime politique. Il a connu également une modification sociologique et doctrinale. Le parti, qui a gagné ses lettres de noblesse dans la clandestinité, a subi les revers de la «légalité».
Abdeslem Ali Rachedi, ancien cadre du parti avant d'être exclu en 1999, avait établi avec un groupe de députés un diagnostic sans concession. «Si le FFS connaît des dysfonctionnements, c'est d'abord en raison de cette crise d'identité. Le FFS, qui est juridiquement et dans ses statuts un parti politique, fonctionne, en fait, comme un mouvement de contestation. La persistance du populisme, qui empêche le FFS de se muer en un parti politique moderne», reprochait-il entre autres.
En plus d'un demi-siècle d'existence, le FFS n'est pas parvenu à prendre le pouvoir ni à transformer la société, même si ses idées ont pris racine. Les victoires d'aujourd'hui sont le fruit des combats d'hier. Elles n'ont pas été octroyées, comme veut le faire croire le régime. Il ne s'agit pas ici de faire le procès d'un parti pionnier. Pour les besoins de la démocratie, le FFS doit faire son examen critique et des remises en causes déchirantes.


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