La grève des commerçants, qui a marqué la wilaya de Béjaïa pendant trois jours, a certes bousculé le quotidien de la population mais ne lui a pas complètement coupé les vivres. Trois jours de perturbations qui, a-t-on constaté, n'ont provoqué ni vent de panique ni grande pénurie. Pour ce qui est des produits alimentaires — sauf pour le pain qu'on a cherché à la loupe à cause de la fermeture de la quasi-totalité des boulangeries — aucune tension particulière n'a été ressentie pour les autres produits, a-t-on constaté également. S'agissant du pain en baguette, il a été remplacé par la bonne vieille galette maison, qu'on a pu trouver aussi en vente sous «emballage» dans les rares échoppes qui ont ouvert. «A la maison, nous consommons de la galette traditionnelle depuis deux jours, car dans tout Béjaïa, il n'y a aucune boulangerie d'ouverte pour acheter du pain», confie un père de famille du chef-lieu de la wilaya. La privation n'est pas totale, par contre, pour les autres denrées alimentaires, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, dès la mise en ligne de l'appel à la grève presque dix jours avant le passage à l'action, beaucoup de gens ont eu le temps de prendre leurs précautions. Puis, au premier jour de la grève, qui est partie du chef-lieu de wilaya, nombreux étaient les commerçants qui n'ont pas répondu sur-le-champ à l'appel anonyme lancé sur les réseaux sociaux, alors que ceux des autres communes ne s'y sont ralliés que tard dans la journée, quand ce n'était pas le lendemain. «Dès que j'ai su que l'appel à la grève avait été mis à exécution, je me suis approvisionné en lait, en légumes frais et secs chez les commerçants qui étaient encore ouverts, de quoi tenir jusqu'à la fin de la grève», affirme un autre père de famille, fonctionnaire. Les consommateurs ont ainsi pu faire des emplettes et prévu des provisions pour plusieurs jours. Aussi, il faut dire qu'en dépit du contexte de violence dans lequel ont sombré la ville de Béjaïa et autres communes, des commerçants réfractaires au mot d'ordre de grève ont ouvert leur magasin pour fournir leurs clients en produits nécessaires. Certains l'ont fait sans être inquiétés, parce que loin des regards des émeutiers, alors que d'autres, comme c'était le cas mercredi matin à Aâmriw, à Béjaia-ville, ont été contraints de baisser rideau avec la reprise des émeutes dans ce quartier. A Akbou et Tazmalt, les habitants n'ont pas eu le temps de ressentir la pénurie ; des sources locales nous ont confié que les commerçants ont repris du service à partir de mardi, soit au bout d'une journée de grève seulement. A Adekar, les commerçants, qui ont rejoint la grève à son deuxième jour, ont choisi de ne pas priver totalement la population en produits, apprend-on d'une source locale, et ce, en reprenant du service à la tombée de la nuit afin de permettre aux gens de faire leurs courses. A El Kseur, à 25 km au sud de Béjaïa, malgré des remous qui ont duré deux jours dans cette ville, certains magasins sont restés opérationnels et ont donc permis aux habitants de s'approvisionner. A cela on peut ajouter les dizaines de commerçants ambulants, informels ou pas, qui sillonnaient les quartiers et villages, proposant toutes sortes de légumes et fruits, des œufs, etc. Mercredi dernier, quoique timidement, le marché hebdomadaire de Sidi Ahmed, à Béjaïa, a eu lieu, sans aucun signe inhabituel dans le comportement acheteur des citoyens. Par contre, la grève a causé des égarements, notamment pour les habitués des cafés maures. Les librairies aussi, qui ont été rares à ouvrir, ont privé leurs clients de journaux et de tabac.