Dans le cadre du plan anticancer 2015-2019, la wilaya de Béjaïa a été choisie comme point de départ d'une campagne nationale de dépistage précoce du cancer colorectal. Conduite par la Société algérienne d'oncologie médicale, cette campagne est lancée en collaboration avec la direction de wilaya de la santé et de la population, le CHU et la faculté de médecine de Béjaïa, sous le haut patronage du ministre de la Santé, de la population et de la Réforme hospitalière. Cette campagne pilote, qui a débuté effectivement le 2 janvier à Souk El Tenine, a démarré officiellement jeudi dernier à l'auditorium du campus d'Aboudaw, de l'université Abderrahmane Mira, en présence, entre autres, du directeur de wilaya de la santé, du président du CHU, le professeur Danoune, du recteur, Saïdani Boualem, et des membres de la Société algérienne d'oncologie médicale, présidée par le professeur Bouzidi. Le choix de Béjaïa pour le lancement de cette opération nationale n'est pas fortuit. Le cancer colorectal est classé premier dans cette wilaya, avec 12 nouveaux cas sur 100 000 habitants sont détectés chaque année, indique le professeur Hamdi Cherif Mokhtar, directeur du registre du cancer de Sétif et membre du comité d'exécution du plan national cancer. Ce qui fait que sur les 814 cas détectés, 144 sont des cancers colorectaux, indique, pour sa part, Athmane Mehdi, chargé de communication auprès du CHU. «Le cancer colorectal est classé premier à Béjaïa et deuxième à l'échelle nationale, avec entre 4000 et 5000 cas chaque année chez les hommes. Nous devons faire de cette opération pilote un modèle, notamment en mettant le patient au cœur de nos préoccupations», plaide le Pr Bouzidi. Au cours de l'année 2017, la campagne de dépistage précoce sera élargie aux wilayas de Laghouat et Batna dans un premier temps, avant de se généraliser à l'ensemble du territoire national. Quatre-vingts volontaires, hommes et femmes, sont déjà passés entre les mains de l'équipe multidisciplinaire déployée sur le terrain à Souk El Ténine, informe le professeur Danoune, qui ajoute que l'opération-étude, qui cible la population à haut et moyen risques, dont l'âge varie entre 50 et 74 ans, a permis de détecter un cas positif qui est immédiatement pris en charge au niveau des différents services concernés du CHU. Après Souk El Tenine, l'équipe sera déployée à Melbou et Amizour, avant de s'étendre à toutes les communes pour cibler le maximum de personnes de cette tranche d'âge, qui représente 10% de la population de Béjaïa, indique-t-on. Ces sorties sur le terrain sont appuyées par les associations, les infirmiers et les médecins généralistes. Sensibilisation Plusieurs objectifs sont assignés à cette étude. Elle doit permettre à l'équipe, selon le professeur Bouzidi, d'aller constater de visu sur le terrain et de donner des directives, avec en ligne de mire la pérennisation de l'opération. Mais l'objectif principal reste la détection à temps du cancer colorectal. «Il faut savoir que 70% des cas de cancer colorectal sont détectés tardivement. Or, s'il est détecté précocement, la médecine permet aux personnes atteintes de guérir à 100% de ce mal», fera savoir le professeur Hamdi Chérif Mokhtar. Comme en France et dans les autres pays qui se sont lancés dans la prévention et la détection précoce du cancer, ce dernier a baissé sensiblement. L'Algérie semble avoir opté pour cette voie qui permettra de sauver des centaines de vies. La démarche, inscrite dans le long terme, portera ses fruits dans 20 ans, a expliqué Pr Bouzidi. Mais pour que les objectifs soient atteints, des moyens matériels, logistiques et humains doivent être déployés, afin de garantir une prise en charge efficace des patients testés positifs. Pour ne citer que deux exemples, la wilaya de Béjaïa ne dispose ni de mammographe ni de service de radiothérapie. «Nous devons répondre avec des moyens», insiste le Pr Hamdi Mokhtar. En outre, en plus des tests médicaux de dépistage, l'opération sur le terrain est une occasion pour l'équipe médicale de se frotter à la population en vue de la sensibiliser à adopter certains comportements et en finir avec d'autres. Dans cette optique, la sensibilisation, dans laquelle doivent également s'impliquer d'une façon active les associations et les médias, doit porter sur la qualité du mode de vie et des habitudes alimentaires des populations. Ces dernières tendent à s'occidentaliser, explique le Pr Bouzidi, et cela n'est pas pour rien dans la propagation du cancer en Algérie. «Il faut désoccidentaliser notre mode d'alimentation et revenir au mode méditerranéen et à une alimentation à base de fruits, légumes, céréales etc.», préconise le Pr Bouzidi.