La trêve des confiseurs finie, la vie politique française a repris de plus belle, avec notamment l'organisation de la primaire de la gauche les 22 et 29 janvier pour désigner le candidat à l'élection présidentielle qui aura lieu en avril et mai 2017. Sept candidats de gauche, dont la majorité était d'anciens ministres dans le gouvernement de Jean Marc Ayrault, vont devoir confronter leurs idées et leurs programmes durant la campagne électorale et lors de trois débats télévisés. Il s'agit de Manuel Valls, ancien Premier ministre, Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'Economie, Vincent Peillon, député européen et ancien ministre de l'Education, Benoît Hamon, ancien ministre chargé de l'Economie solidaire, François de Rugy, député et membre des Verts, ainsi que Jean Luc Benhamias, du parti Ecologie et Sylvia Pinel du parti Radical de gauche, actuelle ministre du Logement. Comme chez la droite et le centre, c'est la seule femme qui participe à la primaire. Les sondages donnent Manuel Valls victorieux au second tour. Mais l'ancien Premistre ministre n'est pas à l'abri d'un revirement de dernière minute, comme ce fut le cas avec François Fillon que personne à droite n'avait vu venir. N'arrivant pas à se défaire de son costume de Premier ministre impopulaire, Manuel Valls croit tout de même en son étoile présidentielle. Il veut se battre, dit-il, pour que la gauche ne soit pas éliminée au premier tour de la présidentielle, comme ce fut le cas en 2002 lorsque Jean Marie Le Pen du Front national arriva en seconde position devant Lionel Jospin. M. Valls peine à se défaire du costume de premier ministre Pour capter les voix populaires qui risquent encore d'aller au Front national, M. Valls a profondément remodelé son programme, plaçant le curseur plus à gauche. Sur le plan institutionnel, il veut par exemple diminuer le nombre de députés et limiter le recours à l'article 49/3 qui permet au gouvernement de faire passer les lois sans vote du Parlement. Il faut reconnaître que Manuel Valls est le responsable politique qui a le plus usé du 49/3 - six - durant le quinquennat de Hollande. Mais il a changé, clame-t-il à chaque fois, proposant même un salaire universel minimum de 750 euros pour tous les Français. Cette mesure lui a attiré beaucoup de critiques de la part de ses adversaires politiques, comme Benoît Hamon pour qui il est difficile de faire du nouveau avec de l'ancien. Pour Montebourg, Valls partage le bilan «catastrophique» de Hollande. Il a été, selon lui, l'otage de la finance et des banques, énumérant à chaque meeting les cadeaux que le couple Hollande-Valls a offert aux banques et aux grandes entreprises sans contrepartie. Montebourg, qui a fait récemment une visite sur la terre de sa mère dans l'Oranie, en Algérie, voudrait croire que les Algériens de France (environ deux millions d'électeurs) se déplaceraient pour lui accorder leurs voix. Sur le plan économique, il a placé la barre très à gauche, proposant même la nationalisation de certaines entreprises prospères et la taxation quasi systématique des banques et des grosses fortunes. Passer à la VIe république Mais c'est Benoît Hamon, ancien ministre chargé de l'Economie solidaire, qui défend un programme iconoclaste. Il prévoit par exemple que s'il est élu président de la République, légaliser le cannabis pour «assécher les foyers de violence et de trafic», accorder un revenu minimum universel de 800 euros par mois à tout le monde. Il veut aussi établir le temps du travail à 32 heures sans baisse de salaire et d'autres mesures jugées par ses adversaires compliquées à financer ou à mettre en œuvre. Mais à y regarder de plus près, Benoît Hamon propose de passer à la VIe République et en finir avec un régime jugé «royaliste» où le Président demeure le grand «monarque» qui décide de tout. Benoît Hamon veut que la société civile prenne réellement en main son destin, et ce, en diminuant nombre d'élus professionnels de la politique et en introduisant dans les institutions de l'Etat (Parlement et Sénat notamment) des représentants de cette société civile en les tirant juste au sort. Un projet difficile à mettre en place compte tenu de l'archaïsme qui caractérise les institutions françaises, mais qui donne une légère avance à M. Hamon qui s'inspire beaucoup des systèmes politiques en vigueur dans l'Europe du Nord, comme le Danemark, la Suède ou la Finlande.