Presque un siècle après l'invention du feu tricolore, Alger hésite encore à s'équiper de cet « élémentaire » de la régulation du trafic automobile. Lancé depuis plusieurs années, le projet d'étude et d'équipement de 100 carrefours de feux tricolores tarde à voir le jour. Pourtant, les « spécialistes » du domaine s'accordent à affirmer qu'une bonne coordination des feux tricolores permettra d'améliorer les conditions d'écoulement du trafic urbain en augmentant la vitesse moyenne du déplacement et en diminuant le nombre moyen et la durée des arrêts. Pour une ville comme Alger où les problèmes de la circulation urbaine se posent avec acuité et menacent d'étouffer la vie économique, l'absence de contrôleurs de carrefours est d'autant plus incompréhensible. En dépit des avantages que procure la mise en place de ces derniers : diminuer le volume de gaz d'échappement dans l'air, améliorer le confort et la sécurité des usagers de la route, diminuer le stress, provoquer une économie globale d'énergie... le paysage algérois demeure depuis plus d'une décennie amputé de cet équipement dont l'utilité n'est plus à démontrer. Rares sont en effet les sites où subsistent encore les modules en question faisant de la capitale une « exception » régionale où l'anarchie est promue en mode type de gestion de trafic. Actuellement, 15 carrefours seulement d'Alger sont dotés de feux tricolores. Des feux qui, nous dira un responsable à la wilaya, fonctionnent de manière isolée, donc sans grande incidence sur la fluidité de la circulation, marquée par une multiplication sur les axes routiers de « points noirs ». Circuler sur les voies d'Alger est comme emprunter le chemin de la Croix. Plusieurs motifs ont été avancés pour expliquer la saturation du réseau routier. D'après les chiffres fournis par la direction des transports de la wilaya d'Alger, la population algéroise effectue aujourd'hui 2,5 millions de déplacements motorisés par jour, contre 1,1 million en 1990. Selon les prévisions du plan de transport, ces déplacements atteindront en 2020 plus de 4 millions/jour. Soit une augmentation substantielle de 125%. A ces déplacements fréquents, il faudra compter sur un parc automobile de plus en plus étoffé, près de 980 000 véhicules pour une population de plus de trois millions d'habitants. Pour éliminer les « principaux points noirs », « un plan de feux », intégrant l'étude et l'équipement, dans une première phase de 100 carrefours d'Alger de feux tricolores, initié par les services de la wilaya, devrait être opérationnel en 2008, selon une source proche du projet. Ce plan, nous explique-t-on, ne doit pas laisser de place à l'improvisation. Le principe de base du plan consiste à relier à un poste central de commande une série de contrôleurs de carrefours placés le long des axes routiers ou dans une zone déterminée. Ce poste central doit pouvoir orchestrer le fonctionnement des contrôleurs de manière cohérente. Un Centre de régulation de la circulation (CRC), qui sera localisé à Belouizdad, devra à la faveur de ce plan voir le jour et d'où sera commandé à l'aide d'un logiciel informatique tous les feux tricolores. C'est ce que les responsables appellent une « gestion intelligente et centralisée » des carrefours. Les mâts des contrôleurs seront dotés de caméras vidéo pour surveiller la physionomie du trafic. Le CRC coûtera à lui seul la bagatelle de 250 millions de dinars. Par ailleurs, l'étude et l'équipement des 100 carrefours, un projet dont le coût estimatif est de 400 millions de dinars, ne sera une réalité qu'après l'achèvement de l'étude d'ingénierie confiée en juillet 2006 au bureau d'études français ISIS France. D'après la direction des transports de la wilaya d'Alger, le coût de cette étude est de 29 millions de dinars. Les études relatives aux comptages de trafic et des relevés topographiques ont été menées par un autre BET, le CTTP pour un montant de 15 millions de dinars. Rappelons qu'une première tentative, un avis d'appel d'offres pour la réalisation de ce projet avait été lancé par l'établissement de gestion et de contrôle du transport urbain, EGCTU, en début d'année et s'est révélé infructueux. Le nombre d'offres soumises était en déçà des attentes des initiateurs de l'opération. Un second avis d'appel sera émis prochainement, après validation des cahiers des charges. La gestion du projet, avons-nous appris tout récemment, est transférée au département des transports d'Alger. Un transfert opéré, nous dit-on, pour des raisons de « procédures » et d'accès aux « crédits ». Dans la seconde phase du projet, il est prévu d'installer sur les axes routiers des panneaux électroniques à messages variables pour tenir, en temps réel, informés les automobilistes sur la situation du trafic dans la ville. Mais là c'est une autre paire de manches… Et dire que les premiers feux rouges et les feux électriques ont été installés le 5 août 1914 à Cleveland aux Etats-Unis. A Paris, c'est en 1934 que le feu tricolore a été mis en service. Inutile d'oser le rapprochement, allons-nous dire. Alger, c'est pas Cleveland et encore moins Paris.