Face à la crise économique, le gouvernement Sellal répond, entre autres, par des coupes sombres dans le budget de la Culture. Compte tenu de l'insignifiance de celui-ci, la manœuvre s'apparente à un calcul d'épicier, aux conséquences bénignes. Elle est cependant l'expression d'une doctrine vaincue qui n'a que mépris pour la chose culturelle, la reléguant dédaigneusement au rang de folklore ou de luxe superflu pour bourgeois gâtés. Arguments repris d'ailleurs par les islamistes à chaque fois que l'occasion se présente pour s'attaquer aux vecteurs de la modernité. Seuls les esprits dupes ignorent le rapport immanent de la culture à la société et sa force déterminante de son avenir, étant le ciment qui lie les éléments du même groupe social. On se demande dès lors si le gouvernement mesure vraiment les conséquences de son choix de liquidation du projet culturel, alors qu'il se dit prêt à faire face aux défis qui attendent la nation et les menaces d'implosion de la société. En Algérie, il n'existe aucune politique de la culture qui soit en phase avec le contrat social et les ambitions du peuple. Pis, en temps de crise, et contrairement à la doctrine de Winston Churchill, les gouvernements successifs ont choisi sans exception de sacrifier le secteur en réduisant drastiquement son budget. L'administration Sellal ne déroge pas à cette règle. La nomination de Azeddine Mihoubi au ministère de la Culture correspond au tournant d'austérité qui a frappé l'ensemble des départements — de manière variable bien entendu. Mihoubi n'a manifesté aucune résistance à plumer son secteur, conformément à la volonté de sa hiérarchie, contribuant aveuglément à le déstructurer et à achever les acquis. Non seulement le budget a été réduit de moitié, en plus, toutes les grandes décisions inscrites sous prétexte de «rationalisation des dépenses» semblent profiter à de nouveaux groupes d'intérêt au détriment des embryons de création et de performance, nés ces quinze dernières années. Le concept de festivals institutionnalisés, au lieu d'être re-pensé dans le sens du perfectionnement de ces rendez-vous, a été revu de manière expéditive en élaguant la liste de plus que la moitié, alors que les événements les plus prometteurs ont été maltraités sans aucune concertation avec leurs promoteurs. Tout a été fait sous le signe de la liquidation, alors que le bon sens invite à revoir le cadre juridique et organisationnel des festivals (vitrine de l'Algérie et élément structurant du fait culturel) pour leur donner une marge de manœuvre plus grande leur permettant de s'adapter à la nouvelle donne économique. Idem pour le cinéma et surtout le théâtre, où les acteurs conventionnels semblent tétanisés par la série de décisions prises par le ministre, qui introduit de nouveaux acteurs (à l'image de l'ONCI) aux compétences douteuses. Un ensemble de décisions allant dans le sens d'une reconfiguration du paysage culturel qui n'augure rien de bon, tant les enjeux claniques et de prédation sont les seules motivations manifestées. Pour le gouvernement Sellal, la culture n'a aucune chance de figurer parmi les priorités de l'heure, encore moins comme levier de sortie de crise et de redressement du pays. Les chèques distribués aux artistes (pas tous) par le Premier ministre himself consacrent la bonne vieille méthode de clientélisation de l'élite. L'image honteuse d'un vieux monde qui se meurt.