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«Le choix des bénéficiaires des droits de retransmission ne s'est pas fait de façon correcte» Me Nasreddine Lezzar. Ex-vice-président du Tribunal arbitral des sports algérien
La polémique semble enfler sur les prix prohibitifs applicables à la cession des droits de retransmission des matchs de la CAN-2017 aux télévisions nationales africaines. Les spécialistes affirment que ces droits sont plus élevés que ceux de la Coupe du monde d'une façon ostentatoire et inadmissible. Pouvez-vous nous apporter un éclairage sur la part du droit et sur ce qui fait, d'après vous, que ces droits soient aussi élevés ? Il s'agit des intermédiaires, cessionnaires et sous-cessionnaires : la CAF, organisatrice, propriétaire des droits, les a cédés à Lagardère qui les cède, de son côté, à beIN sports (pour la région MENA) qui les revend aux chaînes nationales, donc deux intermédiaires au lieu d'un et chacun prend sa part. Voilà ce qui augmente la facture du client final. 1- Le monopole : la CAF a accordé à Lagardère un monopole sur le football africain depuis 2008, reconduit jusqu'en 2028. Etre détenteur exclusif pour une durée aussi longue impulse une arrogance dans les négociations. En droit de la concurrence, cela s'appelle «un abus de position dominante». 2- Un monopole de la sous-traitance : Lagardère lui-même a consacré une exclusivité et un monopole de la sous-traitance. La chaîne qatarie, à l'éthique douteuse, a acquis tous les droits dans la zone Mena et dicte ses conditions. L'Algérie a déjà eu un antécédent avec cette chaîne à propos des droits exorbitants qu'elle applique (match Burkina-Algérie que l'ENTV a piraté en 2013). 3- La durée du contrat (2008/2028) n'obéit à aucune logique ni commerciale, ni éthique, ni politique. Si la cession des droits se faisait pour chaque session de la CAN, il y aurait moins d'abus car le cessionnaire ne voudrait pas compromettre ses chances pour les prochaines éditions. L'obtention des droits pour la période 2017-2028 a donné des assurances au cessionnaire. 4- L'absence de mise en concurrence formelle : la CAF a négocié directement et exclusivement avec le groupe français Lagardère, ce dernier a partagé le répartition des droits par zone et chaque détenteur a l'exclusivité sur son espace. Selon vous, le choix des bénéficiaires des droits ne s'est pas fait d'une façon correcte. En êtes-vous sûr ? Absolument, et je m'en tiens aux déclarations de trois entités concernées : l'entité égyptienne auteur de la dénonciation est la structure chargée de la protection de la concurrence et d'interdiction de pratiques monopolistiques. Le problème se pose donc en amont du contrat et notamment les modalités de choix du bénéficiaire. La réponse de la CAF a complètement éludé la question en énonçant : «Le comité exécutif, après évaluation des différentes options soumises, et dans le strict respect des clauses contractuelles existantes, a marqué son accord pour le renouvellement du contrat avec Lagardère Sports pour le cycle 2017-2028.» Nulle part la réponse de la CAF n'évoque une mise en concurrence. Elle parle d'«évaluation des options» et non d'«évaluation des offres». Seule une «pluralité des offres» serait le signe d'une mise en concurrence de plusieurs soumissionnaires. L'attribution de ce méga contrat s'est faite de gré à gré. Le montant, aussi, n'a jamais été révélé. On reproche la cherté des droits réclamés aux pays. Mais la CAF pourrait-elle disposer d'un droit de contrôle sur le cessionnaire dans la gestion des droits ? Cela aurait été possible si cette attribution s'était faite avec l'établissement d'un cahier des charges qui aurait posé les conditions d'usage et aurait circonscrit les redevances du cessionnaire dans des limites raisonnables selon des paramètres qui placeraient ces droits à la portée des pays africains, qui sont classés parmi les 30 pays les plus pauvres de la planète. Il n'est pas concevable que le cessionnaire de ce genre de droits soit totalement libre d'en faire l'usage qu'il veut. Cette cession des droits semble un chèque en blanc accordé à Lagardère. Finalement, on ne sait ni comment ni pourquoi, ni sous quelles conditions Lagardère a été choisi. On conteste aussi l'attribution par zone géographique. Votre commentaire ? On a choisi une répartition des droits et des cessionnaires par zone et non par pays. Une logique et un bon sens élémentaire permettent de soutenir qu'une répartition par pays aurait permis une multiplication des soumissionnaires. Une cession des droits par session aurait boosté les bénéfices de la concurrence car chaque attributaire voudrait sauvegarder ses chances en raison de la proximité de la prochaine échéance. Le communiqué de la CAF déclare «avoir respecté les procédures internationales et que le contrat ne contrevient en rien à une législation nationale ou supranationale»... Qu'en dites-vous ? Cette allégation de la CAF est complètement fausse. A titre d'exemple, la FIFA vient de lancer un appel d'offres pour les droits médias en France pour les compétitions suivantes : Coupe des confédérations 2017, Coupe du monde 2018, Coupe féminine 2019 et Qatar 2022. Cet appel d'offres permettra de sélectionner l'entreprise la mieux placée pour la retransmission et la réalisation des objectifs de la FIFA qui est de toucher le plus vaste public, tout en se dotant des moyens financiers nécessaires. Trois évidences ressortent : la FIFA répartit les droits par pays et non par zone. Elle choisit le cessionnaire par appel d'offres et non de gré à gré. L'entreprise choisie se chargera des retransmissions et non d'une rétrocession des droits, c'est-à-dire un intermédiaire qui gonflera les prix et encaissera les dividendes spéculatifs (ce que fait Lagardère). Une préoccupation affichée de la FIFA est de toucher le plus vaste public. Ce souci est complètement absent chez la CAF qui, selon son propre communiqué, veut engranger des capitaux. Pourquoi la CAF ne gérerait-elle pas elle-même les droits de retransmission au lieu de les confier à un intermédiaire inutile ? Nous sommes devant une décision anti-africaine et antisportive. Quelle évaluation faites-vous de la CAF ? Un sinistre profil d'une instance obscure composée de membres aux desseins antinationaux, rongée par des pratiques douteuses dominées par l'inamovibilité et l'absence de contestation. Elle est à l'image des Etats africains.