Le concept du développement durable, cette idée fort généreuse née à la faveur des échecs répétés des stratégies de développement mises en application par les organisations internationales à l'intention des pays en voie de développement, n'est pas près de trouver son chemin. La preuve vient d'en être encore une fois, administrée par les communicants ayant intervenu dans le cadre des premières journées scientifiques organisées conjointement par l'UIF (Agence Universitaire de la Francophonie) et l'Université de Mostaganem. En effet, 3 jours durant, les nombreux conférenciers venus du Maroc, de la Roumanie, de Belgique, du Cameroun, du Tchad, du Bénin, de la RD du Congo et de Mauritanie, parleront des concepts ainsi que des expériences en vue d'asseoir une formule qui allie à la fois la nécessité d'un développement durable et les intérêts bien compris des principaux bénéficiaires. Qui se recrutent principalement parmi les populations les plus pauvres qui peinent à assurer leur subsistance par l'exploitation des ressources naturelles ; ressources qui appartiennent naturellement à une communauté tribale, villageoise, nationale et par extrapolation, internationale. C'est le cas notamment lorsqu'il s'agira de veiller à une exploitation rationnelle de la forêt tropicale du Miombo (province du Katanga), qui est un véritable poumon, non seulement du Congo ou de l'Afrique centrale mais de tout le continent africain, voire de l'ensemble de la planète. Le projet qui a pour bailleurs de fonds la FAO et les Pays-Bas est piloté par des universitaires congolais (Université de Lubumbashi) et Belges (U. libre de Bruxelles). Les chercheurs sont conscients de la difficulté à mettre en application le nouveau code forestier. En effet, ils rappellent fort justement que l'élaboration s'est effectuée de manière centrale, sans aucune participation des populations concernées. D'où leurs principales craintes et préoccupations de veiller, dans la cadre de ce projet, à ne pas heurter les pratiques en cours jusque là. Les mêmes préoccupations sont partagées par leurs collègues du Cameroun qui posent la question de savoir comment aider les acteurs paysans, dotés d'une implacable logique économique, à intégrer la notion de durabilité dans leurs calculs économiques ? Les chercheurs de l'université de Yaoundé. II soulignent l'impérieuse nécessité d'adopter une méthodologie novatrice s'articulant autour de l'intégration des savoirs locaux dans l'aide à la prise de décision. Une approche nouvelle qui prends à revers les pratiques antérieures que ces universitaires condamnent sans détour. Ces derniers, privilégient une méthode qui reste à définir mais dont la finalité serait une harmonieuse et efficiente participation des savoirs locaux et leur intégration dans les processus décisionnels. L'universitaire Véronica Mitroi de l'académie de Bucarest, aura un jugement encore plus désespérant. Présentant le projet d'aménagement du Delta du Danube, elle n'hésitera pas à parler " d'exclusion morale " de la population locale. Ajoutant que des phénomènes d'inclusion/marginalisation des populations sont accompagnés d'importants risques sociaux pour les communautés locales, avec des conséquences directes sur le caractère durable du développement de la région. Ce qui nécessite selon elle, une réappropriation du développement durable par les populations, dans une dimension plus équilibrée. Il est vrai les recommandations officielles d'une réorientation de l'activé vers le tourisme n'aura pas produit ses effets, incitant les habitants à recourir à des activités informelles, donc répréhensibles que ni l'introduction d'un système de contrôle ni les système des concessions n'auront réussi à réduire. Une connaissance figée et insuffisante Une douloureuse expérience qui devrait inspirer les chercheurs marocains de l'Ecole Forestière de Salé, en responsabilité du projet de promotion d'un développement durable de la côte de Nador, qui s'articule fort justement sur la pêche et le tourisme. Deux activités complémentaires dans cette région orientale caractérisée par la présence de plusieurs sites d'intérêt biologique et écologique. Toutefois, l'opération étant en cours de lancement, Khattabi Abdelatif, l'auteur de la communication, aura souligné la nécessité d'associer aux experts et aux autorités locales, les associations de la société civile, afin de vaincre et de diminuer les faiblesses et les risques potentiels. S'agit-il d'une réelle préoccupation ou est- ce uniquement un caprice d'intellectuel en mal de sémantique ? Car, lors de ces journées, les organisateurs auront allier le bon et le moins bon. En effet, certaines communications ne cadraient pas avec les termes de références. Comment pouvait-il en être autrement s'agissant d'un domaine aussi complexe comme peut l'être la notion de développement durable ? D'où la judicieuse mise au point des chercheurs oranais du LTE qui noteront en guise de conclusion à leur communication essentiellement axée sur le bilan et les perspectives du laboratoire " qu'une partie des recherches est restée attachée à l'optique environnementale et n'a adhéré que partiellement à l'objectif du développement durable". Notons que beaucoup d'intervenants auront brillé par la présentation de techniques d'observations et de modélisation en recourant systématiquement à des méthodes où l'informatique, le SIG (Système d'Information Géographique, le SIC-Web (Système d'Information et de Connaissances par le Web), le MARP (Méthode Accélérée de Recherche Participative), les NTIC, l'histoire ancienne et récente ainsi que l'anthroposystème sont mis à contribution afin de limiter les déviations perpétuelles et redondantes constatées dans la mise en place des projets de développement tels que conçus et réalisés jusque là par les bailleurs de fonds traditionnels. Pour les chercheurs de l'université de Pau, cet ensemble d'outils " permet l'organisation des disciplines, de leurs techniques et de leur pratiques en vue d'atteindre l'objectif commun, obligeant chaque discipline à fournir ses données et interprétations après un passage obligé par les référentiels communs ". Une élégante conclusion qui met en évidence l'incapacité actuelle de la recherche à concevoir un canevas universel à l'image des programmes d'ajustement structurels si chers aux génies de la Banque Mondiale et du FMI. Toutefois, ces universitaires auront l'honnêteté de reconnaître quelques lignes plus loin que ce dispositif n'aura apporté qu'une connaissance " figée ", insuffisante pour la compréhension des processus dynamique d'évolution et de durabilité des milieux et des hommes. Faut-il rappeler que dans le cadre de ces rencontres spécifiques qu'organise l'UIF, l'essentiel est ailleurs ? Il s'articule autour des notions d'interdisciplinarités, d'échanges, de mise en réseaux, de nouvelle gouvernance, de promotion de la coopération et de mobilité des chercheurs ou de coopération multilatérale, que la communauté universitaire indigène semble dédaigner. Laissons le mot de la fin à Fidoline NGO NONGA de Yaoundé qui constatera amèrement que les thérapies appliquées depuis 1994, à la foret tropicale par le gouvernement camerounais, sur instruction des bailleurs de fonds, se seront traduites par la disparition de 80% de la forêt traditionnelle ; soit un rythme de 222.000 hectares /an depuis l'année 2000. Un constat sans détour qui devrait inciter universitaires et gouvernants à plus de retenue et plus de sagesse. En attendant l'émergence d'une véritable société civile que seule une démocratie véritable pourrait aider à s'implanter. Il faudra également méditer les conclusions du récent forum de la FAO (Rome du 24 au 26 octobre 2006) où agriculteurs et scientifiques du monde entier auront partagé leurs connaissances et leurs expériences sur la conservation des systèmes agricoles traditionnels, en proposant des étapes concrètes pour la reconnaissance et la gestion au plan international de cet héritage humain. Le développement durable est à ce prix.