Il y a une semaine, François Hollande, en visite à Gao pour le sommet France-Afrique, qualifiait l'opération Serval au Mali de «succès» mais reconnaissait que l'opération Barkhane est «mission impossible». L'attentat de mercredi à Gao contre un camp de combattants pro-gouvernementaux, qui a fait au moins 77 morts et plus de cent blessés, le prouve : construire une armée africaine capable de se défendre seule et d'assurer la sécurité des populations va prendre du temps, en particulier dans un environnement où les violences se multiplient et fragilisent l'accord de paix signé entre les groupes armés en 2015. Car les combattants ciblés par l'attaque à la voiture piégée, appartenant à la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg), ou à des groupes armés progouvernementaux, se préparaient pour les patrouilles mixtes prévues par l'accord de paix. Ces patrouilles, auxquelles doivent également se joindre des militaires maliens, sont censées préfigurer la refonte d'une armée malienne unitaire. Précaire Le gouvernement malien a fait état de «cinq kamikazes» parmi les tués, mais dans sa revendication, le groupe Al Mourabitoune de Mokhtar Belmokhtar, rallié à Al Qaîda au Maghreb islamique depuis plus d'un an, n'a cité qu'un auteur, Abdelhadi Al Foulani, indiquant son appartenance à l'ethnie peul. «Nous mettons en garde tous ceux qui sont séduits par la France pour qu'ils intègrent son alliance. Nous leur réaffirmons que nous n'accepterons pas de casernes, de sièges, de patrouilles ou de convois du colonisateur français qui combattent les moudjahidine», a déclaré le groupe terroriste dans un communiqué publié sur le site mauritanien Alakhbar. Si cette attaque, impressionnante par son bilan, attire l'attention, elle n'arrive pas dans le néant : l'année 2016 a été particulièrement violente. Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, au moins 385 attaques ont été enregistrées en 2016, dans lesquelles 332 personnes ont été tuées, dont 207 civils dans le nord et le centre du pays. Par ailleurs, un rapport de Human Rights Watch publié le 18 janvier relève que «les groupes islamistes armés dans le nord et au centre du Mali ont exécuté de nombreuses personnes et imposent de plus en plus de restrictions sur la vie quotidienne dans les villages» et que, dans ces régions, «le gouvernement malien a été incapable de protéger les populations vulnérables». «Le climat est devenu de plus en plus précaire pour les droits de l'homme en 2016, relève Corinne Dufka, responsable Afrique chez HRW. C'est le résultat des exécutions et des intimidations des groupes islamistes armés, des affrontements sanglants intercommunautaires et d'une hausse des crimes violents. La détérioration de la situation est aussi à mettre sur le compte de l'échec du gouvernement à affirmer son contrôle et à freiner les abus commis par les forces de sécurité.» Minusma «En l'absence d'autorité étatique et d'arrangements intérimaires, le phénomène terroriste prend des proportions de plus en plus inquiétantes au nord et au centre du Mali», déplore le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous. «Si la situation sécuritaire continue à se détériorer ainsi, il n'y aura plus de paix à maintenir au Mali», a-t-il prévenu. Mais alors sur qui compter pour bloquer les groupes armés ? Pas sur la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma). Un récent rapport de l'ONU fait état d'un manque de matériel qui empêche la mission de s'acquitter de son mandat, citant une longue liste de doléances où l'ONU fait le bilan de tout ce qui manque : quatre hélicoptères, une compagnie des forces spéciales, une compagnie spécialisée dans les explosifs et les déminages ou encore une centaine véhicules blindés pour les transports de troupes. Et le rapport de prévenir : d'ici fin janvier, la situation va devenir plus critique puisque le contingent néerlandais se désengagera et, avec lui, ses sept hélicoptères. Ce sont les Allemands qui devraient normalement les remplacer.