Une production théâtrale algéro-française est lancée en chantier et a vu la tenue de sa toute première résidence de création pendant les deux premières semaines du mois de janvier à Tichy. Cette résidence, dédiée à l'écriture et à la mise en scène, a réuni l'essentiel de l'équipe engagée dans cette aventure portée à bras-le- corps. Au bout, il s'agit de donner corps à la pièce Maison frontières, qui sera l'adaptation d'une pièce radiophonique du même titre de Slawomir Mrozek (1930-2013), un écrivain et dramaturge franco-polonais. L'équipe s'est retrouvée à Tichy en présence des deux metteurs en scène de la pièce, Abdelaziz Hammachi et Stéphane David, qui connaît le théâtre bougiote pour avoir joué dans Le Foehn de M. Mammeri, mise en scène par Djamel Abdelli du TRB. Etaient aussi de la partie, Smaïl Soufit, qui en fait l'adaptation, Laurence Moinard, responsable du projet pour l'association française Café blanc (porteuse de projets culturels cosmopolites), et les trois comédiens algériens, Belkacem Kaouane, Boualem Zeblah et Mohamed Lefkir de la Compagnie des Cigognes. L'équipe sera complétée, du côté français, par les comédiennes Marie-Claire Vilard et Charlotte Michalak. La représentation de Maison frontières devrait prendre sa forme définitive en 2018, après une dernière résidence de création prévue à l'automne prochain à Béjaïa. Mais entre-temps, l'équipe se retrouvera pour deux autres résidences réservées au travail de plateau à Poitiers (France) en mars et avril prochains. Un travail de longue haleine, qui semble traduire l'engagement des initiateurs à mener leur projet à bon port. Tout est parti d'une rencontre qui a peint une amitié. En 2003, à l'occasion de l'année de l'Algérie en France, les deux metteurs en scène ont joué dans El Adjouad de Abdelkader Alloula, pièce co-produite par les deux théâtres régionaux d'Oran et de Béjaïa et le théâtre l'Horizon de La Rochelle. Le désir de donner naissance à «un projet commun» anime les deux artistes et l'idée a fini par prendre le nom de Maison frontières, une aventure théâtrale qui viendra rappeler au monde ses absurdités. Le projet fait sien un thème intemporel qui rythme encore l'actualité dans un monde morcelé par les frontières. «Géographiques ou psychologiques, les frontières nous cernent. Les gigantesques mutations géopolitiques, sociologiques, démographiques qui troublent le monde les placent au cœur de l'actualité», a-t-on écrit dans le dossier de présentation du projet. La problématique est celle de l'altérité. On considère que «franchir le cap du ‘‘vous'' et du ‘‘nous'' en reliant deux rives par un spectacle en langue française, écrit par un auteur polonais, adapté par un auteur algérien, mis en scène par un algérien et un français, joué par des comédiens de deux continents, est, en soi, une expérience symbolique». Le projet est une véritable image syncrétique, qui s'orne des couleurs de la différence. Sa mise sur pied est en soi une belle illustration du rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée. Ce sera un travail de réflexion sur l'acceptation de soi, enveloppé dans l'esthétique du 4e art. Pour les concepteurs de ce travail théâtral naissant, «il s'agit de lutter contre les préjugés, les stéréotypes, les discriminations, de partager et transmettre des valeurs essentielles, de parler à tous et avec tous». Détruire les barrières, jeter des passerelles et aller à la rencontre de l'autre, c'est la morale de Maison frontières. Son but est de «montrer la nocivité» des frontières immatérielles «plus nuisibles encore que celles qui délimitent des territoires géographiques». Dans Maison frontières, six personnages constitueront «une famille (qui) voit sa maison séparée en deux par une ligne» où même «aller d'une pièce à l'autre, rencontrer son prochain devient difficile». Absurde, comique, mais surtout déplorable.