Le jardin public Rachid Chaâboub de la ville de Mila, le seul espace vert digne de ce nom de toute la ville, continue de faire les frais d'une municipalité qui a tourné le dos au patrimoine naturel de la cité. Situé pourtant aux portes de la municipalité, le square, jadis prestigieux, s'est transformé en un coin malfamé, où l'on peut trouver tout, sauf la quiétude, les parfums de la nature et l'intimité qui l'ont toujours caractérisé. Ouvert aux quatre vents depuis la suppression de la clôture en fer forgé qui le ceinturait, Djenane El Beylik, comme aiment l'appeler les riverains, prend les allures d'une décharge sauvage, doublée d'un espace de négoce douteux. En effet, des tonnes de gravats, issus de la démolition de constructions, jonchent actuellement une aile de cet espace, alors qu'une autre aile, relativement à l'abri des regards, est devenue un urinoir à ciel ouvert, d'où se dégagent des odeurs d'ammoniac, qui se font sentir à des dizaines de mètres à la ronde. Un triste décor qu'enlaidissent davantage les dégradations qui sapent les statues, les résidus de plantes, les pierres monolithiques de l'époque romaine et les bancs qui meublent l'espace. Cela, au moment où la place centrale du jardin, où trônait un très beau jet d'eau, dont l'épave existe toujours, est désormais occupée par des dizaines de vendeurs de téléphones portables et d'oiseaux de cage, qui ne s'embarrassent point de fouler les rares carrés de plantes décoratives. Pour les riverains qui redoutent le bradage du jardin au profit de quelque maquignon du foncier, c'est une clochardisation programmée. On croit dur comme fer que les autorités de la ville «préparent le bradage du terrain à travers les opérations de banalisation qui dénaturent actuellement le square». Le maire avait pourtant rassuré la population lors d'une rencontre avec El Watan, en affirmant que «le square sera réaménagé et qu'une enveloppe de 3,8 milliards avait été dégagée à cet effet», sans réussir, toutefois, à dissiper les craintes des citoyens, échaudés par les promesses non tenues. Et quelles que soient les spéculations des Mileviens et les véritables intentions des gestionnaires de la ville, la question qui taraude à présent les observateurs locaux et les associations de défense de l'environnement, c'est de savoir si l'esthétique urbaine ne voudrait pas que les lieux publics — Djenane El Beylik en est un — soient régulièrement nettoyés et entretenus pour préserver l'harmonie de la cité et la santé publique. A bon entendeur.