Passées la Coupe d'Afrique et ses déceptions, passée la vindicte médiatique contre joueurs, entraîneurs et particulièrement contre le président de la FAF, passé donc ce «machin» qu'on appelle football qui n'est en définitive qu'un jeu qu'on veut, ces derniers temps, nous faire admettre le contraire, les citoyens reviennent à des choses autrement plus sérieuses. Les difficultés de la vie reprennent le dessus, accentuées par les effets corrosifs de la crise économique qui, nous dit-on, commence à peine à s'installer. Parmi les préoccupations majeures des ménages, la hausse des prix à la consommation et l'affaiblissement du dinar sont venus perturber le budget familial. Les affectations pécuniaires prioritaires — comme l'alimentation et l'éducation et, à un moindre degré, les loisirs — sont largement déséquilibrées aujourd'hui par le jaillissement de dépenses de santé parfois inattendues et denses. Les ménages font face à une montée fulgurante de l'impact lié à l'émergence d'accidents et de maladies parfois impromptues ou bien au traitement coûteux de soins durables. L'Algérien constate fatalement qu'un autre segment lié à ses dépenses de santé est venu grever son budget. Alors que l'espérance de vie était de 65 ans dans les années 1970 (moyenne d'une population estimée en ce temps-là à une quinzaine de millions d'individus), elle s'est allongée en 2015 à 77,5 ans pour les femmes et 73,8 pour les hommes (moyenne de 75,6 ans). C'est dire qu'avec cet allongement — du reste bienvenu — les maladies chroniques lourdes et coûteuses apparaissent fatalement et accompagnent souvent le citoyen malade jusqu'à sa mort. Il est donc évident que la préservation de la bonne santé devient un souci majeur. Mais il gonfle considérablement pour la frange de population moins jeune, les dépenses d'entretien sanitaire auxquelles des retraités, du fait de la faiblesse de leur pension mensuelle, ne peuvent faire face et qui renoncent dans bien des cas à se soigner. Alors que la norme mondiale des dépenses de santé du budget des ménages devrait être de 10% selon l'OMS, les statistiques de cette même organisation font passer celui de l'Algérien de 3,7% en 1995 à 25% de son budget familial. De nombreuses raisons ont boosté ce gonflement des dépenses de santé qui rognent forcément sur les besoins mensuels en alimentation et apports annexes. Les ménages connaissent alors des fins de mois difficiles… Face à la faiblesse des structures publiques, les citoyens se tournent désormais fréquemment vers les établissements privés. Analyses médicales coûteuses, explorations multiples, examens répétitifs : l'Algérien paye considérablement de sa poche sans prise en charge de la Sécurité sociale et est souvent confronté au non-remboursement de ses soins ou des médicaments y afférents car non inscrits dans la nomenclature. Cela arrive, il a parfois recourt à l'endettement. Les dépenses des ménages, selon les comptes du ministère de la Santé (statistiques de 2014), ont dépassé globalement ceux de la Sécurité sociale… L'autre aspect est lié à la propension qu'ont de nombreux Algériens à solliciter des établissements de soins à l'étranger en raison des restrictions faites à la délivrance des prises en charge par l'Etat. Pour se soigner d'une maladie chronique ou subir une greffe d'organe (lire à ce sujet l'excellente enquête de Djamila Kourta en page 4), les nationaux vont en Tunisie, en France, en Turquie, en Jordanie et même en Chine aux frais de la famille qui fait face parfois à des factures considérables en centaines de milliers d'euros ou de dollars. Beaucoup vendent un ou plusieurs biens pour parer à ces dépenses et sont largement déçus en retour en découvrant qu'ils ont été arnaqués par des chants de sirènes entretenus et organisés ici-même. Les insuffisances d'un système national de santé irrationnel et aujourd'hui dépassé, dont les limites ont non seulement forcé les Algériens à se jeter dans les bras du privé national et international, ont également poussé une frange de citoyens désœuvrés et désespérés vers des pratiques de soins occultes et charlatanesques. Mais ceci est une autre histoire…