Le succès de l'Algérie — qui est sur le point de cumuler son quatrième mandat à la tête de la Commission paix et sécurité de l'organisation panafricaine — a certainement dû prendre un goût particulier pour les diplomates algériens, surtout que le Nigeria a jeté toutes ses forces dans la bataille. La machine diplomatie algérienne n'est finalement pas aussi grippée que certains la présentent. A en juger par la moisson récoltée durant le 28e sommet ordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine (UA), dont les travaux se sont clôturés hier à Addis-Abeba, Ramtane Lamamra et Abdelkader Messahel, respectivement ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale et ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe, paraissent même avoir accompli du bon boulot. Le Tchadien Moussa Faki Mahamat, que tous les grands médias internationaux ont présenté comme étant le candidat de l'Algérie à la présidence de la Commission de l'organisation panafricaine, a été élu haut la main. La candidature de l'ancien ministre tchadien des Affaires étrangères et bras de droit d'Idriss Deby Itno pour succéder à la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma a même fini par faire consensus. Le long travail de coulisses entamé depuis plusieurs semaines par Ramtane Lamamra — qui connaît l'Afrique et l'Union africaine comme sa poche — pour garantir un second mandat à Ismaïl Chergui à la tête de la Commission paix et sécurité de l'UA a été également couronné de succès. La victoire de l'ancien ambassadeur d'Algérie à Moscou n'était pas du tout évidente puisque, cette fois, l'Algérie avait en face le Nigeria, un autre poids lourd de l'Afrique. Le président nigérian Muhammadu Buhari, dont le pays vient de remporter plusieurs victoires sur Boko Haram, estimait légitime que la Commission revienne à la ravissante Fatima Kyari Mohammed, sa candidate. Bien que le Nigeria soit en phase avec l'Algérie sur de très nombreux dossiers, à commencer par celui du conflit du Sahara occidental, Muhammadu Buhari n'a cette fois-ci rien voulu lâcher. Moussa Faki Mahamat passe Le succès de l'Algérie — qui est sur le point de cumuler son quatrième mandat à la tête de la Commission paix et sécurité de l'organisation panafricaine — a certainement dû prendre un goût particulier pour les diplomates algériens surtout que le Nigeria a jeté toutes ses forces dans la bataille, appelant même à la rescousse tous les pays de la Cedeao. Et jusqu'à la dernière minute, Lagos s'est adonné à un intense travail de lobbying. Le poste qu'occupe Ismaïl Chergui depuis 2013 tenait particulièrement à cœur à Muhammadu Buhari dans la mesure où Fatima Kyari Mohammed est connue au Nigeria pour être sa grande protégée. Au-delà, il faut tout de même convenir qu'Ismaïl Chergui doit aussi sa réélection à son travail et aux efforts importants que lui et Mme Zuma ont accomplis pour mettre de la cohérence dans la doctrine africaine de paix et de sécurité. L'élection de Moussa Faki Mahamat et la confirmation dans son poste de Commissaire à la paix et à la sécurité de l'UA confirme que l'Algérie dispose encore de solides réseaux sur le continent et que son influence diplomatique ne s'est pas émoussée. C'est d'ailleurs grâce à ces mêmes réseaux que l'Algérie a réussi à réactiver, quelques jours avant même la tenue de ce 28e sommet de l'Union, le Comité de haut niveau de l'UA sur la Libye afin d'y inclure les pays voisins de l'ex-Jamahiriya. Le but ? Impliquer l'Union africaine dans le règlement de la crise libyenne afin de donner davantage de chance à une solution politique et diminuer par la même occasion les trop nombreux parasitages dont font actuellement l'objet les efforts déployés par l'Algérie, l'Egypte et Tripoli pour réconcilier Tripoli et Tobrouk. 4e mandat Avant de s'envoler pour Brazzaville où s'est tenue la réunion de ce haut comité, c'est pratiquement au compte-gouttes que Abdelkader Messahel a briefé un groupe de journalistes sur les grandes lignes des projets africains de la diplomatie algérienne. A la question de savoir pourquoi les diplomates algériens sont si peu diserts, sa réponse a été instantanée. «En diplomatie, la discrétion est un gage de réussite», a-t-il insisté tout en se disant néanmoins navré de ne pouvoir en dire plus. Même s'ils restent effectivement discrets sur le sujet, les diplomates algériens considèrent également la décision de la conférence des chefs d'Etat de l'UA d'entériner la demande d'adhésion du Maroc à l'organisation panafricaine comme une consécration de plusieurs années d'efforts et de batailles diplomatiques menées aux quatre coins de l'Afrique. Et même en dehors. Des batailles contre l'oppression menées, du reste aussi, par tout le continent. Usé, isolé politiquement et à genoux économiquement, le Maroc a fini par comprendre, avec le temps, que sa survie dépendait de son entrée à l'UA. Et en acceptant de ratifier sans condition l'acte constitutif de l'UA, texte fondateur qui le contraint à reconnaître la RASD et à s'asseoir aux côtés de Sahraouis, Rabat admet sans ambiguïté l'échec patent de sa politique coloniale, explique un diplomate sahraoui depuis Addis-Abeba. Il ajoute que «l'UA se fonde sur des valeurs immuables que le Maroc sera dorénavant bien obligé de respecter». Pour ce diplomate, cette adhésion était en quelque sorte «la cerise sur le gâteau» des travaux du 28e sommet de l'Union.