Alors que la session de l'APW battait son plein au siège de la wilaya de Ouargla, les chômeurs battaient le pavé devant son portail principal pour interpeller les autorités sur leur situation. Il s'agit du énième sit-in organisé depuis le début de l'année, marquant une longue période d'effervescence de la CNDDC, dont les représentants ont investi la rue pour rappeler aux autorités leur situation. Pendant une dizaine de jours, ils avaient bloqué l'accès à l'Agence locale de l'emploi, dont ils veulent la tête. C'est en effet le départ de M. Sioued qu'ils exigent à présent. Qualifiant sa gestion de «catastrophique» et «marquée par le clientélisme et les passe-droits», ces derniers ont demandé audience au wali, dont le chef de cabinet a tôt fait de les orienter vers le directeur de l'emploi. Guergueb Mohamed reconnaît avoir mené plusieurs rounds de discussions avec les militants de la CNDDC, qui lui ont remis un rapport circonstancié demandant une commission d'enquête sur les agissements des gestionnaires de l'ANEM au niveau local. Joint au téléphone, le directeur de l'emploi affirme avoir «transmis ledit rapport à toutes les instances concernées, y compris la direction générale de l'ANEM, pour traiter les problèmes liés à cette agence». Ce courrier, transmis il y a plusieurs semaines, ne semble pas avoir eu l'écho escompté par les chômeurs, qui ne savent plus à quel saint se vouer. Mohamed Guettaf, leur délégué, posté ce mercredi devant le siège de la wilaya, exprime un désarroi total devant «cet imbroglio qui n'en finit pas». Où sont les offres de Sonatrach ? Accusant les gestionnaires de l'ANEM «de cacher des offres d'embauche d'une filiale de Sonatrach, qui auraient été affectées au profit de connaissances et proches de ceux censés les dispatcher à travers les bureaux de l'ANEM dans la wilaya de Ouargla», les chômeurs sont restés toute la journée d'hier devant la wilaya et se disent en sit-in ouvert jusqu'à ce que le wali de Ouargla tende son oreille à leur doléance. Sommés de quitter les lieux par la police, qui menaçait de mettre fin à leur mouvement, «nous ne savons plus comment expliquer la situation à nos interlocuteurs, tant le changement de responsables est devenu fréquent, alors que nous, nous sommes les mêmes et notre situation n'a pas changé». Un état de chômage chronique dans une ambiance de dialogue de sourds qui n'en finit pas depuis des années, dans un cycle qui se renouvelle à l'installation de chaque nouveau wali et de chaque chef de sûreté de wilaya, au moment où les personnes pointées par les chômeurs au niveau de l'ANEM sont soit maintenues à leur poste, soit mutées, voire promues. Abdelkader Djellaoui, wali de Ouargla depuis quelques mois, ne fera pas exception, il hérite d'une situation explosive qui semble insoluble. Dialogue Dans son rapport publié en novembre dernier, intitulé «Sud de l'Algérie: turbulences à l'horizon» le think tank International Crisis Group souligne que «la revendication d'emploi dans le secteur pétrolier et autres dans le Sud, incarnée par le mouvement des chômeurs de Ouargla, soulève des défis d'inclusion et de représentation que les autorités doivent aborder». Pour cette étude consacrée aux trois mouvements ayant ébranlé la région durant ces dernières années, à savoir les événements de Ghardaïa, la révolte antigaz de schiste d'In Salah et le mouvement des chômeurs de Ouargla, ces chercheurs estiment que les autorités devraient «commencer par améliorer la communication avec les responsables locaux afin de lever les ambiguïtés». Pour ces derniers, il faut gérer le dossier de l'emploi dans la transparence, or cette transparence, vantée par les différents responsables depuis la mise en application du logiciel informatique El Wassit, n'a en rien réglé le problème. Très critiqué par le mouvement des chômeurs, qui le considèrent «comme un moyen supplémentaire d'exclusion de la main-d'œuvre d'exécution, donc à faible qualification, alors que l'ANEM, par la voix de son directeur d'agence de Ouargla, estime que ce dernier a instauré une certaine performance en matière de classification des profils professionnels, El Wassit décuple plutôt que n'aplanit les difficultés». C'est pourtant «une approche multicritères favorisant la conformité des qualification et aptitudes professionnelles avec l'offre d'emploi», disent les responsables de l'ANEM. Clientélisme ? Opacité ? Passe-droits ? Des accusations réfutées par cette agence, qui joue à fond la carte de la transparence en lançant depuis la fin de l'année 2016 des services à distance aux demandeurs d'emploi dans quatre wilayas pilotes du nord du pays.