Tensions internes, discordes avec des géants économiques et des pays alliés, les premières semaines du mandat de Trump préfigurent un avenir peu rassurant. «Le pire pour l'Amérique, ce n'est pas que Trump représente une dérive qui n'a jamais eu lieu dans l'histoire de son pays, c'est qu'il rappelle en réalité aux Américains des souvenirs amers. Il a fallu Franklin D. Roosevelt – et ses émissions de radio au coin du feu ! – pour convaincre son peuple, de 1938 à 1941, de rejoindre l'Europe dans la guerre. Cela n'allait pas de soi à l'époque, au moment où l'idée d'‘‘America first'' était très puissante», s'inquiète une étude du très sérieux Institut Montaigne, à l'heure où le monde entier subit encore les contrecoups des décisions du président américain. Dernier épisode, assez illustratif de la démarche de Donald Trump, son attitude vis-à-vis du Premier ministre australien, Malcolm Turnbull. Mercredi, l'entretien téléphonique entre Trump et l'Australien aurait tourné court à cause de la remise en cause d'un accord bilatéral sur l'accueil de réfugiés, explique le Washington Post. Selon le quotidien américain, le président républicain des Etats-Unis a soudainement abrégé la discussion après avoir critiqué l'accord conclu par son prédécesseur Barack Obama pour accueillir des réfugiés relégués par l'Australie dans des camps controversés. Depuis les décrets anti-immigrations et ses nominations de responsables très conservateurs, Trump n'arrête pas d'inquiéter une bonne partie de l'opinion américaine mais aussi au-delà des Etats-Unis. Ce n'est sans doute que le début de la controverse. Alors que ses détracteurs dénoncent un décret «anticonstitutionnel», ses partisans affirment que le décret n'est au contraire qu'une mesure temporaire semblable aux restrictions mises en place par Barack Obama en 2011 et visant à renforcer la sécurité nationale dans un contexte de risque terroriste accru au niveau mondial. Jonathan Turley, professeur de droit à l'université George Washington, estime que «la loi est en faveur de Trump sur la constitutionnalité», même si, dit-il, les détracteurs peuvent invoquer «la loi de 1965» qui interdit toute discrimination basée sur la religion ou la nationalité en matière d'immigration. L'avocat général de l'Etat de Washington, Bob Ferguson, a carrément déposé plainte contre Donald Trump, le Département de la sécurité intérieure, et un certain nombre de personnalités de haut niveau de l'Administration Trump. Le but est de confronter les décisions du Président à la réalité de la Constitution des Etats-Unis. Et de faire annuler le caractère exécutoire du décret. «Mentalement déséquilibré» «Les actions du Président séparent des familles de Washington, ce qui blesse des milliers de résidants, endommage son économie et sape l'intérêt souverain de la ville qui souhaite rester un endroit accueillant pour les immigrants et les réfugiés», lit-on dans le texte de la plainte. De plus, de nombreuses institutions de l'Etat de Washington ont apporté leur soutien et leur témoignage à cette initiative. Et elles ont été rejointes par trois grandes entreprises de la Silicon Valley qui ont aussi des bureaux dans l'Etat de Washington (notamment à Seattle et à Bellevue) : Microsoft, Amazon et Expedia. Ces trois entreprises se sont engagées à témoigner sur les effets de cette décision dans leur entreprise. The Economist commente ainsi les derniers développements : «En promettant de ‘‘Rendre sa grandeur à l'Amérique'', Donald Trump a eu des échos du Ronald Reagan de 1980. Pourtant, il y a une différence. L'Amérique de Reagan était optimiste : celle de Monsieur Trump est en colère. Bienvenue dans le nouveau nationalisme.» Après les manifestants dans la rue, les chefs d'entreprise et même Obama qui sort de sa réserve, des… psychiatres ont commencé à se délier de leur devoir de neutralité politique. Un groupe intitulé Citoyens thérapeutes contre le Trumpisme s'est créé. Ces psychanalystes ont publié un manifeste dans lequel ils donnent les raisons pour lesquelles ils pensent que le 45e président des Etats-Unis est «mentalement déséquilibré» : «Le fait de désigner des boucs-émissaires ou de bannir des groupes de gens vus comme des menaces, ce qui inclut des immigrants et des minorités religieuses ; dégrader, ridiculiser, et déshonorer ses rivaux ou croques ; le fait de forger le culte de l'homme fort qui en appelle à la peur et à la colère; promettre de résoudre tous nos problèmes si on lui fait juste confiance; ou encore réinventer l'histoire et faire peu de cas de la vérité, tout en ne voyant pas le besoin d'employer la persuasion par la raison…», énumèrent-ils pour conforter leur thèse. Pourtant, une étude récente a montré que 46 Américains musulmans avaient été associés à des actes d'extrémisme violent en 2016, une baisse de 40% par rapport à 2015. Or seule une petite portion de ces individus – 9 sur 46 – avait de la famille dans les sept pays que l'Administration Trump a interdits.