L'assaut de déclarations sur le dossier de la révision constitutionnelle émanant des milieux proches du pouvoir et principalement des deux partis de l'Alliance présidentielle : le Fln et le Rnd, qui ont en fait leurs choux gras, cette semaine, n'a pas réussi à dissiper l'épais nuage déployé autour de ce projet politique. Tour à tour, Belkhadem et Ouyahia sont, en effet, montés au créneau, à grand renfort de publicité, pour défendre l'idée du maintien du calendrier électoral décidé par le président de la République, notamment dans son volet relatif à la révision de la Constitution, tout en étalant au grand jour leurs divergences sur le contenu attendu de ce projet ainsi que sur la démarche politique qui devrait, de leurs points de vues, sous-tendre la maturation et la finalisation de ce dossier. De la même façon, le secrétaire général du Rnd n'a pas laissé passer les articles parus cette semaine dans certains organes de presse, dont celui du Fln, Sout Al Ahrar, relançant les spéculations sur l'état de santé du Président pour rebondir politiquement. Balayant d'un revers de la main les rumeurs entretenues autour de l'incapacité réelle ou supposée du Président à terminer son mandat et à briguer un troisième mandat, comme certains milieux le prétendent, Ouyahia a martelé, dimanche, devant la presse que « le Président se porte bien ». Le propos n'est pas ici de relancer un débat ou la polémique sur les intentions politiques du Président et les lectures faites par certains analystes sur le report ou l'annulation — c'est selon — du projet de révision constitutionnelle et les explications fournies à l'appui par les uns et les autres, dont l'argument, vrai ou faux, de la fragilité de la santé du Président qui aurait poussé ce dernier à refréner ses ardeurs pour un troisième mandat. Désorientée, l'opinion a du mal à suivre ce télescopage d'informations de première main faites presque sur le ton de la confidence livrées par Belkhadem et Ouyahia sur ces deux dossiers qui ont donné lieu à divers commentaires. En tant que chefs de parti de la majorité présidentielle, il est tout à fait normal et légitime que ces deux responsables soient mis dans le secret de Bouteflika en ce qui concerne l'agenda politique présidentiel. Mais ce qui l'est moins, en revanche, c'est que ces partis s'érigent en porte-parole — autoproclamés ? — du président de la République. Ces dossiers, qui relèvent du domaine réservé et des compétences du président de la République, doivent être pris en charge, y compris au plan de la communication, par les services de la présidence de la République. Pourquoi l'initiative de répliquer aux rumeurs sur le projet de révision constitutionnelle et l'état de santé du Président est-elle laissée à Belkhadem, même en sa qualité de chef du gouvernement, et Ouyahia, qui, lui, est en dehors de l'Exécutif ? Ont-ils été mandatés par Bouteflika pour cela ? Même si c'est le cas, le procédé pèche par un manque d'efficacité patent en termes d'impact du message produit, lequel, en s'encombrant de ce genre de relais périphériques et partisans, entretient fatalement le doute dans l'esprit des citoyens et parasite, par conséquent, le message originel. En matière de communication, il est connu que plus la cible, autrement dit le destinataire du message — l'opinion publique — est éloignée de l'émetteur, plus grand est le risque de voir le message dévier ou rater sa trajectoire. Ce n'est pas parce que Belkhadem et Ouyahia se sont exprimés sur ces deux dossiers que la cause est pour autant entendue au sein de l'opinion et que la polémique ouverte dans la presse et certains cercles politiques va inévitablement cesser. De nombreux observateurs s'interrogent, en effet, sur le silence observé par la présidence de la République par rapport au chantier de la révision constitutionnelle. Si « léger report », comme l'ont affirmé haut et fort Belkhadem et Ouyahia, ou annulation, comme le supputent d'autres milieux, il y a, pourquoi une telle information qui est capitale emprunte-t-elle des chemins escarpés pour parvenir à l'opinion, alors qu'il est du ressort du président de la République d'annoncer une telle mesure ? C'est lui qui a annoncé la décision de réviser la Constitution, c'est, par conséquent, à lui, et à personne d'autre, qu'il appartient d'informer l'opinion sur les motivations qui sous-tendent les modifications apportées à son agenda politique et au calendrier électoral. Cela aurait très certainement évité les rumeurs et les interrogations légitimes ou malintentionnées dont certains milieux se sont fait l'écho ces derniers jours. La multiplication des intervenants dans la communication présidentielle — car c'est de cela qu'il s'agit — n'est pas forcément l'expression d'une solidarité et d'un resserrement des forces qui soutiennent ou prétendent soutenir le programme présidentiel face à la polémique née autour de l'agenda lié au référendum sur le projet de révision constitutionnelle. L'approche des échéances électorales fait naître des appétits partisans et claniques dans les sphères du pouvoir qui pourraient avoir raison de toutes les alliances contractées.