Il y a encore des villages en Haute Kabylie où la présence de l'Etat ressemble à celle d'un épouvantail dans un champ de blé. Le cas de la commune d'Aït Bouadou, dans la daïra des Ouadhias (50 km au sud-ouest de Tizi Ouzou) est très illustratif. Cette petite localité qui compte plus de 16 000 habitants ne dispose que de quelques établissements scolaires et de petites structures de santé. Les fonctionnaires de la mairie « squattent », depuis la création de la commune d'Aït Bouadou en 1985, les deux logements d'astreinte, destinés initialement au maire et au secrétaire général. L'ouverture du nouveau siège de la mairie se fait toujours attendre en raison du retard enregistré pour procéder au branchement de cette infrastructure au réseau électrique et son équipement en matériel nécessaire. Le secrétaire général de l'APC impute la responsabilité de ce retard à la direction des affaires locales (DAL) de la wilaya de Tizi Ouzou. La commune d'Aït Bouadou n'a bénéficié d'aucun programme de construction de logements sociaux à cause de l'inexistence d'assiettes foncières sur tout son territoire. L'APC a éprouvé d'énormes difficultés à trouver un terrain pour le projet de construction d'une maison de jeunes au chef-lieu de la ville. Cette structure que les jeunes attendent avec impatience est financée sur le budget de la régie communale. L'APC a pu aussi inscrire une aire de jeux au village d'Aït Amar et un foyer de jeunes au village d'Ibadassen dans les PCD du programme complémentaire de l'année 2006. En attendant, ces derniers s'occupent dans le seul cybercafé existant au centre-ville. Pour leur part, les exclus du système éducatif sont contraints de se déplacer dans les grands centres urbains des localités limitrophes dans l'espoir de trouver un emploi ou d'effectuer un stage. Les jeunes filles n'ont, quant à elles, aucun autre choix que de rester à la maison à cause de la tradition, avoue-t-on à demi-mot. La construction d'un centre de formation professionnelle pour une jeunesse rongée par le chômage et l'oisiveté relève du songe. « Nous ne pouvons rien prévoir en matière d'équipements publics, car tous les terrains appartiennent à des particuliers », déclare le vice-président d'APC. Le projet d'ouverture de quinze pistes agricoles à travers toute la région a buté sur l'opposition, souvent injustifiée, de certains riverains. Au village d'Aït Djemaâ, des représentants de la population locale crient à l'abandon et demandent à ce que l'autorité de l'Etat soit rétablie. Ces derniers ne cachent pas leur désarroi devant la multiplication des agressions à l'arme blanche et des vols de véhicules, des magasins et des maisons, ces dernières années. Interrogé sur ce problème, le vice-président de l'APC tente de minimiser la gravité du phénomène en lançant : « C'est toute la Kabylie qui est touchée par le banditisme et la violence. Le problème n'est pas propre à notre région. » L'absence de l'Etat à Aït Bouadou a également ouvert la voie à l'anarchie. Les constructions illicites, poussent comme des champignons. A l'APC, nos interlocuteurs affirment que les plaintes déposées au niveau de la justice n'aboutissent à aucun résultat positif.