Le scénario est inspiré du roman de Francis Zamponi (éditions Actes Sud). Un message anonyme arrive à la police qui mène l'enquête et subrepticement, entraîne le spectateur au cœur de la tragédie algérienne, avec tout ce qu'elle avait d'horrible, d'injuste et d'inhumain : « Le colonel est mort à St Arnaud ». Le tragique prend le pas sur le fait divers. Que s'est-il passé à St Arnaud ? Le crime du colonel Duplan nous remet en mémoire les « enfumades » du général de St Arnaud et le massacre de 500 personnes, hommes femmes et enfants, brûlées vives dans une grotte. La construction en spirale de l'histoire permet le va et vient entre un passé qui continue de hanter l'inconscient collectif de la société française et un présent difficile à assumer pour les nouvelles générations française. Au cœur du débat, la question de la torture, pratiquée en Algérie à une échelle de masse par une armée française rétive au souvenir de la résistance au nazisme et bien sûr, le bilan des méfaits du colonialisme français. De ce point de vue, le film de Costa Gavras est optimiste. La translation entre le jeune lieutenant Guy Rossi, licencié en droit et la jeune femme lieutenant qui est chargée d'analyser aujourd'hui son journal intime, corrobore ce fait. Le lieutenant français croit porter, sur ses frêles épaules, l'acquit humaniste de l'université et la légalité républicaine. Il paiera de sa vie une telle illusion, issue des scrupules du droit sur la force coloniale sans état d'âme, incarnée par le personnage du colonel Duplan magistralement interprété, face à un peuple décidé à arracher sa liberté à n'importe quel prix. Le lieutenant Rossi a pour mission d'étudier l'impact des pouvoirs spéciaux votés par l'assemblée nationale sous la houlette des socialistes avec Guy Mollet et des communistes français. Il subit l'ascendant de l'implacable colonel, et dans un moment de faiblesse suggère une clause de non-droit pour permettre au colonel Duplan d'asseoir la logique de la machine répressive contre le peuple de St Arnaud. A Paris, les politiques soutiennent à fond. Ce chèque en blanc de la légalité à la force brutale perdra le personnage velléitaire du lieutenant et l'engrenage de la violence sonne bien sûr le glas du colonialisme français, puisqu'à la violence cynique du colonel Duplan, va répondre une autre violence, elle, révolutionnaire parce que issue de la légitimité de tout un peuple. La défaite coloniale est symbolisée par la mort du colonel qui, jusqu'à la fin, a refusé de faire son mea-culpa au père du lieutenant, disparu pendant la guerre d'Algérie. Moralité : le colonialisme hier défait, n'a pas encore reconnu ses crimes, mais le film suggère l'existence de forces saines en France, décidées à faire leur devoir de mémoire. Quand apparaît la lumière, la vérité triomphe sur le crime. De ce point de vue, le film de Costa Gavras est lumineux. Signalons la qualité de la distribution et le label du cinéma sérieux qui oblige le spectateur à penser. Le casting porte la griffe de Costa Gavras, d'un réalisateur professionnel Laurent Herbiet et d'un panel de comédiens français de talent dont Charles Aznavour, dans le rôle de père. La première, qui s'est déroulée en présence des promoteurs du film et de Costa Gavras, avec un large public sétifien sevré de cinéma depuis des années et qui a su apprécier l'heureuse et louable initiative qui augure peut-être d'un intérêt grandissant pour le 7e art, à l'échelle de la ville de Sétif, carrefour du mouvement national.