Le pouvoir a intégré les élections comme une simple formalité administrative qui vient entériner les réaménagements opérés dans ses appareils, sans se départir des procédés de dosage en direction des formations pouvant servir d'appoint ou d'alibi. Les autorités se montrent invariablement inopérantes au cours des mandats et des législatures mais révèlent une incroyable maîtrise et une efficacité sans failles lors des rendez-vous électoraux. Hormis décembre 1991 et l'irruption du FIS des entrailles du régime, celui-ci n'a jamais connu de fiasco électoral. Ce qui semble être un moment de récréation et surtout de régénérescence pour le pouvoir est, par contre, une véritable épreuve pour les partis qui prennent part au scrutin, ceux de l'opposition, en particulier. Tous les projets de rupture, d'alternance et de démocratisation se retrouvent, en temps d'élections, des défis internes à relever. Les partis formant le pouvoir gèrent sans ménagement la période pré-électorale et la confection des listes de candidats. Leurs militants redécouvrent alors qu'ils n'avaient pas adhéré à un parti mais à un appareil. Quand une commission électorale locale est créée, elle est trucidée en conseil de wilaya, avec l'accord assuré de la direction nationale. Et il se trouvera un secrétaire général de parti, par ailleurs haut cadre de l'Etat, pour affirmer que les listes des candidats «ont été faites au niveau de la base», avant d'apprendre que la même base a fermé une structure locale dans une région du pays. Aussi, un mouhafedh ne s'incline jamais devant les collectifs de ses kasmas mais obtempère quand il est rendu destinataire du dossier d'un ministre ou d'un entrepreneur pourvoyeur de fonds. Les partis de l'opposition démocratique ont également maille à partir avec la procédure de désignation des candidats devant les représenter devant les électeurs et, plus tard, au sein des assemblées élues. Les parlementaires sortants, ayant déjà fait entendre leur voix au sein de l'hémicycle, ont du mal à susciter l'enthousiasme des citoyens, qui y voient la reproduction de l'une des tares du régime et le bal incessant de ses figures tournantes. Quand il arrive qu'un parti désigne un jeune candidat pour conduire une liste, cela peut être engrangé comme une victoire politique, avant celle électorale, puisqu'elle donne corps au principe et à l'exigence de renouvellement des élites et des dirigeants. La campagne électorale est déjà à moitié réussie quand la liste présentée ne souffre pas du syndrome du déjà-vu ou entendu. Elle est par contre improbable quand des candidats partent à la conquête des suffrages après avoir usé leur potentiel de crédibilité après de longues années dans les structures dirigeantes du parti. De nombreux responsables de la mouvance démocratique, ayant parfois le prestige d'un long parcours dans l'opposition, ignorent que les électeurs sont plus attentifs au sens d'une participation qu'au programme de campagne, et que le signal de la rénovation de la vie politique doit émaner prioritairement de son propre camp.