A deux mois d�une nouvelle l�gislature, les coteries partisanes red�couvrent les voies tortueuses de la conformit� administrative et ne manquent pas de se plaindre de cette bureaucratie censitaire qui les tient en laisse et emp�che leur visibilit� politique. Voil� un reproche d�j� entendu par le pass�. Une vieille litanie pr�-�lectorale destin�e, chaque fois, � taire ses propres connivences. La r�p�tition saisonni�re d�une mise en accusation d�un pouvoir inchang� n�est-elle pas la triste preuve de sa propre complicit� passive ? R�put� pour ses man�uvres dilatoires qui les fragilisent � la veille des consultations, pourquoi donc choisissent-elles d�obtemp�rer � son calendrier quand elles ont d�j� fait l�am�re exp�rience de l�incurie de ses assembl�es pr�fabriqu�es ? Qui se souvient qu�un jour, un gouvernement est tomb� � la suite d�un vote de d�fiance au Parlement ? A l��vidence, personne n�a en m�moire le moindre fait d�armes qui r�habilite l�honneur introuvable de ces assembl�es de pacotille. Et c�est bien �a qui caract�rise le mieux la relation ambigu� qu�entretient celle-ci avec le pouvoir r�el. Bref, le tutorat �tant leur trait distinctif, que pouvait-on attendre d�autre de ces ar�opages qui ne surent s�acquitter de leurs mandats octroy�s que par l�approbation ? Confin�s dans des liens de quasi-all�geance, les appareils qui concoctent des listes et partent en campagne sont aujourd�hui les moins qualifi�s pour remodeler la vocation d�un parlement ou du moins l�affranchir de quelques r�flexes d�shonorant. Ces reliquats de la culture du parti unique et son unanimisme. Malgr� le formalisme pluraliste de la Constitution de 1996 qui lui permettait de modifier quelque peu la perception de la fonction parlementaire, l�ensemble des d�put�s a toujours pr�f�r� le fleuve tranquille de la docilit� aux incertitudes des saines col�res. Ainsi, m�me les chahuts auxquels se sont parfois pr�t�s certains d�entre eux n��taient que de la frime. L�ordre des choses n�a pas chang� d�un iota puisque ces esclandres de trav�es le confortaient dans son image. Tout juste de l��cume politicienne sans cons�quence f�cheuse pour les actes du gouvernement. D�une session � une autre, le spectacle est rejou� sur le m�me mode pour finir par une for�t de mains lev�es. C�est-�-dire par l�approbation sans r�serves. Pass�e de statut muet de chambre d�enregistrement � celui de forum d�op�rette, l�APN a fait plus de tort � l�id�e neuve de d�mocratie que n�en a commis en trente ann�es le centralisme de jadis. Le discr�dit jet� sur une institution inf�od�e � l�ex�cutif n�a pas eu d��quivalent par ce pass�-l�. Et pour cause, au cynisme sans partage du parti- Etat, omniscient dans la s�lection, l�on substitua un semblant de diversit� qui se r�v�la finalement une grossi�re diversion. La mani�re dont se sont illustr�s les d�put�s au cours des ces deux l�gislatures (1997 et 2002) est �difiante. Car, quel que soit leur bord ou m�me leur sinc�rit�, tous les partis se sont rendus � cette �vidence : leur victoire ou leur �chec sont moins la sanction de l��lecteur que les desiderata du pouvoir. Le pluralisme, qui aurait d� valoir au Parlement l�autorit� reconnue de la repr�sentativit� populaire, a �t� lamentablement d�mon�tis� par la fraude certes, mais pas uniquement par celle-ci. Les partis politiques et la faune de rentiers qui les contr�lent y ont leur part dans la faillite. Eux qui furent peu regardants sur les m�thodes de l�ex�cutif jusqu�� rouler parfois pour son compte, en contrepartie de quelques promotions, doivent dor�navant aller au-del� des regrets de circonstance en ne poussant pas uniquement des �hol� platoniques. Il leur faudra d�abord revenir sur cette monstrueuse escroquerie politique que l�on a reconduite dans tous les scrutins gr�ce � un arsenal de mauvaises r�gles et une volont� de partialit� dont les desseins n��chappent � personne. A quoi sert d�sormais un Parlement ? N�est par cons�quent pas une interrogation connot�e par le souci de tirer des bilans sur la mani�re dont nos lois sont �labor�es. Elle va plus loin que les d�risoires anecdotes qui ont ponctu� les fausses joutes qui ont eu lieu puisqu�elle remet en cause le socle m�me de sa l�gitimit� et non sa capacit� � bien l�gif�rer. Vaste question qui renvoie � cette r�novation factice du syst�me politique consubstantielle � la loi fondamentale de 1996. La promotion d�un parlement, pluraliste dans sa �repr�sentativit� � et bicam�ral dans sa structure, �tait d�s le d�part une illusion d�optique politique. Car dans sa finalit�, le pouvoir l�gislatif �tait verrouill� par les agr�ments en amont et neutralis� par la double lecture des chambres en aval. En somme, le proc�d� permettait au pouvoir ex�cutif de maintenir sa pr��minence en toutes circonstances. En dix ann�es et deux l�gislatures, le pays a chang� 8 fois de Premier ministre et connu 7 remaniements de gouvernements mais pas une seule fois le Parlement n�eut � peser sur la d�cision des chefs de l�Etat. C�est dire que l�institution d�lib�rante n�est en fait qu�un s�rail � deux chambres o� si�gent des eunuques politiques sans la moindre capacit� de cong�dier un gouvernement. Par ailleurs, le fait que le syst�me soit parvenu � survivre au pic de la crise de 1988- 1996 gr�ce � cette recomposition des institutions de l�Etat dont il d�tient toutes les cl�s, ne doit pas nous faire oublier un certain compagnonnage des partis les plus en vue. Ceux-l� crurent, pour la plupart, que de l�int�rieur ils pouvaient l�amener aux v�ritables r�formes d�mocratiques sans qu�ils en aient mesur� tous les subterfuges dont il �tait encore capable. Le traitement particulier des urnes n�a-t-il pas fini par disqualifier le principe m�me de la repr�sentativit� ? Depuis, dans leur majorit�, les d�put�s ne s�abuseront gu�re sur l�origine exacte de leur mandat. C�est-�-dire sur la vanit� des urnes qui les ont port�s. Qu�ils relativisent par orgueil la part de la fraude, ils n�ignorent pas en revanche qu�ils doivent si peu aux voix r�elles et beaucoup � l��tat de gr�ce de leur parti aupr�s du syst�me. Cette fragilit� originelle ayant ali�n� son ind�pendance que reste-il au d�put� sinon � s�accepter comme un faire-valoir avantageusement r�mun�r� ? La d�composition du Parlement est telle que sa r�putation dans l��lectorat est �tablie dans ce sens. Comment peut-on comprendre qu�il y ait encore des partis qui aspirent � y revenir pour si�ger � nouveau alors que le ma�tre du jeu ne songe gu�re � en changer les r�gles ? Mais la �visibilit� politique �, diront-ils, comme pour se justifier par avance des intentions r�elles qu�on risque de leur pr�ter. Il est vrai qu�en politique il faut plus de calculs que de convictions pour faire carri�re.