Par peur de signes qui favoriseraient l'arrivée de migrants, certains souhaitent les abandonner à leur sort, sans même les assister, ou leur donner un peu de nourriture. La question des migrants continue de peser dans le nord de la France et surtout à Calais. C'est là, il y a quelques mois, qu'a été démantelé, avec force déploiement de police et de médias, le camp de réfugiés dénommé «La jungle». Il était occupé en grande partie par des personnes qui souhaitaient rejoindre l'Angleterre, distante d'à peine quelques kilomètres, mais qu'un bras de mer sépare, la Manche, The Channel en anglais. Quelques traversées à la nage ou en bateau de fortune ont été tentées. Le très beau film de Philippe Lloret avait splendidement traité le cas d'un jeune migrant qui voulait rejoindre sa famille à Londres et qui s'entraînait dans un club de natation pour y parvenir. Il y a eu aussi le film Le Havre, du Finlandais Aki Kaurismaki, qui traite avec tendresse et dureté du soutien aux migrants. Le plus gros des candidats au passage attendait la possibilité de monter dans un des nombreux camions qui traversent quotidiennement la France pour aller au Royaume-Uni via le tunnel sous la Manche. Rien ne les décourageait de tenter l'aventure, jusqu'à ce que des clôtures infranchissables soient dressées, et surtout jusqu'à la dispersion des migrants sur tout le territoire français dans des camps d'hébergement qui, d'ailleurs, avaient suscité de l'incompréhension dans certaines communes qui n'en voulaient pas. Beaucoup, cependant, sont restés sans camp isolés, malgré l'hiver venu, et d'autres sont arrivés depuis. Parmi ceux qui n'ont pas baissé les bras à Calais, l'association Salam qui, déjà, venait en aide aux migrants du temps de «La jungle». Le plus dur, estiment les militants, ce sont les jeunes. Parmi ces derniers, il y a beaucoup de mineurs dont le sort est très incertain. Ils remarquent que le flux n'est pas tari, car les raisons qui poussent à fuir leurs pays n'ont pas disparu par l'enchantement volontariste de mesures d'éloignement. En dépit de toutes les actions tentées en ce sens, le phénomène migratoire ne maintient. Tous les jours les journaux s'en font l'écho. Comme l'écrivait un internaute sur un site d'informations : «On fait mine de s'étonner qu'un migrant reste un migrant.» Et qu'il migre ! Récemment dans le journal Le Monde, on lisait : «Rien qu'en janvier, 2100 personnes ont été découvertes cachées dans des camions à Eurotunnel ou aux ports de Calais et Dunkerque.» C'était le cri d'alarme du président de la Fédération nationale des transports routiers du Pas-de-Calais. Quelques associations humanitaires ne les ont pas abandonnés et ont essayé de faire en sorte qu'ils puissent se nourrir ou se doucher, malgré que les autorités du ministère de l'Intérieur aient annoncé que tout serait fait pour empêcher qu'un «nouveau campement» de migrants s'installe de nouveau dans la ville. Magnanime, le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, a ajouté la semaine dernière que cela n'empêchait pas les distributions de repas. Sauf que la maire du parti Les Républicains de Calais, Natacha Bouchart, a indiqué qu'elle s'opposerait à ces distributions, soumettant même un arrêté municipal en ce sens jeudi dernier. Au journal La Voix du Nord, elle s'est dit «opposée à tout dispositif humanitaire vis-à-vis des migrants», Même les douches qu'organise le Secours catholique ne trouvent pas grâce à ses yeux. Elle veut ainsi décourager toute velléité de séjour irrégulier dans sa commune : «Je ne veux surtout pas qu'il y ait un appel d'air et que nous revivions ce que nous avons déjà vécu. Nous avons trop souffert.» Evidemment, les associations caritatives et humanitaires se sont insurgées, le Secours catholique affirmant sa stupéfaction qu'«un responsable politique puisse en arriver à interdire à des enfants de se laver et de se nourrir». Pour Jean-Claude Lenoir, le président de Salam, interrogé en février par Le Monde, la situation actuelle à Calais constitue «un véritable gâchis». Si le démantèlement du vaste bidonville, fin octobre 2016, a été pour lui une «bonne chose», il craint qu'«au printemps, les migrants recréeront des dispositifs sauvages». Un rapport remis au Premier ministre à la fin janvier avait, quant à lui, proposé «la mise en place d'une structure d'accueil d'urgence minimaliste sur le territoire de Calais». La peur de donner un signe positif aux migrants a fait qu'il soit rangé dans les classeurs, en attendant... Mais on se demande quoi ? Selon une militante active sur le terrain, la course au zéro migrant ne peut réussir. Ce qui est valable d'ailleurs dans n'importe quel pays.