Il faudra bien noter cette agression contre l'équipe médicale partie vacciner les élèves dans une école à Annaba. Les faits, au-delà de ce qu'ils confirment comme enracinement de la violence dans les mœurs de notre vécu, alertent plus encore sur la détérioration dangereuse et certainement inédite de la relation entre gouvernants et gouvernés. L'agression serait le fait de parents d'élèves mis sur les nerfs par les flots de rumeurs sur les méfaits prétendus de ce vaccin décidément maudit. Ce ne sont donc pas des délinquants que la mouche grossière de la violence a piqués. Des parents d'élèves qui en sont donc venus à «défendre» physiquement leurs enfants contre des velléités supposées de leur nuire, portées cette fois par des personnels dont la vocation pourtant est de soigner et de protéger. L'incident, pour caricatural qu'il soit, clôt lamentablement une semaine d'agitation autour du fameux vaccin durant laquelle les scandales du RHB, le vaccin pentavalent et autres flétrissures ayant écorné l'image du ministère de la Santé et de son mal-aimé premier responsable, se sont rappelés au bon souvenir de l'opinion. La confiance déjà branlante en l'institution et son encadrement a donc eu, durant toute l'année, à vaciller davantage encore à l'occasion d'épisodes où M. Boudiaf et des cadres de son secteur se sont donnés pratiquement en spectacle. Le résultat en est que s'est ancrée en le citoyen le plus raisonnable l'idée que la prise en charge de sa santé et celle des siens dépend de responsables aussi corrompus qu'incompétents. La séquence la plus significative de ce «retrait de confiance» généralisé est cette initiative des responsables des établissements scolaires poussant la précaution jusqu'à vouloir faire signer aux parents l'autorisation de vacciner leurs enfants, dégageant ainsi, pour la première fois, leur responsabilité d'un acte vaccinal s'opérant à l'école. Quoi d'étonnant que la réaction des parents soit un rejet fébrile, puisque les représentants des institution eux-mêmes se refusent à assumer l'action de l'Etat qu'ils représentent. En attendant que la plainte contre x déposée par le ministère de la Santé réponde à la question de savoir si lesdits responsables ont marché consciemment ou inconsciemment dans un «complot», comme on le suggère, ou simplement péché par excès de prudence, l'on sait déjà que toute cette histoire ne pourra pas ne pas laisser de trace dans la mémoire de la population scolaire. On serait donc capable de badiner avec la santé des enfants de ce pays pour satisfaire l'appétit de quelque puissant laboratoire ou importateur véreux et bien né. Une leçon que se sont chuchotés les élèves la semaine dernière dans les écoles du pays et que leur jeune tête retiendra. Et c'est à peu près à cette énormité que conclut sans peine la vox populi, malgré les assurances officielles répétées. Demain, on refusera peut-être de prendre l'eau du robinet si un mauvais plaisantin lançait une alerte sur facebook que l'eau est empoisonnée pour exécuter un quelconque traquenard politique. Après s'être convaincu que les institutions par leur obsolescence et leur corruption n'étaient plus capables de lui garantir le moindre bien, le citoyen n'a plus de mal à penser désormais qu'elles sont capables de lui nuire, à grande échelle, pour de sordides enjeux de pouvoir et de concussion. La peur après le désespoir.