Après le fiasco de l'année dernière avec la plus mauvaise récolte céréalière (34 millions de quintaux) depuis la saison agricole 2008-2009 qui avait enregistré un chiffre record de 61,2 millions de quintaux, la production pourrait repartir vers le haut cette année. C'est l'optimisme à ce sujet du côté du ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche (MADRP), dont les responsables parlent d'une campagne céréalière «prometteuse», même si à cette période de l'année il est difficile de se projeter dans ce domaine puisque tout dépend de la quantité de pluie durant ce mois de mars et en avril prochain. L'optimisme du département de Abdessalem Chelghoum, relayé par le directeur de la régulation et du développement de la production céréalière, s'explique par la pluviométrie exceptionnelle enregistrée en janvier dernier. Cela pour dire que cette filière stratégique, dont dépend la sécurité alimentaire du pays, continue à évoluer au gré des facteurs climatiques en l'absence de solutions structurelles, alors qu'ailleurs les expériences ont montré qu'il était possible d'améliorer les rendements via de nouvelles techniques de production et d'irrigation. Mais surtout via des politiques étudiées sur le long terme, loin des solutions conjoncturelles. Déperdition Or, en Algérie, ce n'est pas encore le cas. La production céréalière continue à subir les effets des facteurs climatiques. Lors de la campagne 2015-2016, par exemple, le stress hydrique a fait perdre au secteur plus d'un tiers de la superficie ensemencée, soit une déperdition d'un million d'hectares semés. Une situation qui risque de se reproduire si le programme d'irrigation d'appoint n'avance pas au rythme souhaité. Et ce, d'autant que les indicateurs ne sont pas au top concernant les ressources hydriques. Si à l'ouest et le centre du pays il y a eu une bonne pluviométrie dans la région Est ce n'est pas le cas. Ce qui a fait que l'Institut national des sols, de l'irrigation et de drainage (Insid), va envoyer dès cette semaine des alertes aux wilayas de Batna, Tébessa, Khenchela et Oum El Bouaghi (où certaines zones souffrent de manque de pluviométrie) pour lancer l'irrigation d'appoint. Si cette situation de beau temps persiste, le mois de février et la première décade de mars ont été avares en pluies. Des tendances qui risquent de se généraliser les prochaines années, avertit la FAO. Dans un communiqué rendu public cette semaine sur son site, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FA0) met en effet en garde contre l'amenuisement des ressources en eau en Afrique du Nord. Pénuries d'eau Pour l'Organisation, les ressources en eau douce en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont enregistré une baisse de deux tiers ces quarante dernières années, posant un défi énorme qui nécessite une transformation des systèmes et des régimes alimentaires. «Les pénuries d'eau qui se profilent à l'horizon en Afrique du Nord et au Proche-Orient représentent un énorme défi qui requiert une intervention massive et urgente», a déclaré dans ce sillage José Graziano da Silva, directeur général de la FAO, depuis Le Caire le 9 mars. Une intervention fortement attendue en Algérie, où moins de 10% des terres dédiées aux cultures céréalières bénéficient de l'irrigation compensatoire. L'objectif pour 2019 étant de porter cette superficie à 600 000 hectares pour répondre aux besoins du pays en blé. Des besoins estimés, faut-il le noter, à 80 millions de quintaux par an. D'où la nécessité de recourir à l'irrigation des céréales. Une option de grande importance s'impose parallèlement à l'amélioration des performances techniques et à la mécanisation. Or, ce qui se fait actuellement dans ces différents chapitres reste timide, voire, selon certains experts, loin d'être adapté aux normes. C'est le cas pour l'irrigation compensatoire. Bricolage Pour Akli Moussouni, expert agronome, l'idée de l'irrigation compensatoire est «apparemment très mal comprise». Pourquoi ? «Il s'agit en fait de désigner les zones qui peuvent bénéficier d'une telle opportunité à la seule condition que cette catégorie d'irrigation, dont le coût est important au regard des équipements à mettre en œuvre, en l'occurrence des pivots d'irrigation (circulaires ou linéaire selon le cas), qui doit être compensé par des rendements importants sur des surfaces importantes». Or, ce n'est pas le cas. Ce qui est fait actuellement, c'est la distribution de kits d'asperseur (arroseur). Une mesure qualifiée de «bricolage caractérisé» par notre expert, alors que dans un contexte semi-aride comme le nôtre, «on ne peut se suffire d'une action de subversion, mais d'un programme réfléchi», regrette M. Moussouni, lequel souligne que les kits distribués ne sont pas adaptés aux cultures céréalières dans de nombreux cas. «En plus, le déplacement des rampes d'irrigation dans un champ de blé est insensé, la distribution de l'eau est hétérogène et le piétinement répété n'épargnera rien aux champs de blé», ajoutera l'expert. Ce sont autant d'éléments à prendre en considération dans le programme d'irrigation d'appoint mené actuellement par le gouvernement dans l'objectif d'intensifier la production céréalière et réduire les importations dans ce contexte d'amenuisement des ressources financières. Justement, à ce sujet, même si la facture a baissé en 2016 par rapport à 2015 en termes de coût, en quantités, pas de grands changements. La baisse des prix sur le marché international est à l'origine de la réduction du coût des importations à 2,71 milliards de dollars (mds usd) en 2016 contre 3,43 mds usd en 2015, (-21,02%). Or, les quantités sont restées pratiquement inchangées, avec 13,22 millions de tonnes (Mt) contre 13,68 Mt, (moins 3,3% seulement). Dans ce cas, il n'y a pas lieu de se féliciter de cette baisse. Car au cas où les prix repartent à la hausse sur le marché mondial, la facture suivra la tendance. Et dans la situation actuelle du pays -les pressions démographiques conjuguées aux difficultés financières- il serait difficile de faire face aux besoins, sauf en cas de changement de régime alimentaire. Ce qui n'est pas évident à faire à court et moyen termes. Pression démographique et difficultés financières Le défi s'annonce en fait complexe à relever, mais pas impossible. Il suffit, de l'avis des experts, de définir clairement les objectifs à atteindre en jouant sur nos potentialités pour améliorer les rendements. «Une moyenne de 20 q/ha moyennant des ajustements techniques est facilement réalisable en Algérie», explique à ce sujet Mohamed Amokrane Nouad, consultant agricole, pour qui il y a lieu de jouer sur certains facteurs. «L'amélioration du rendement est possible à la condition que l'on y mette les moyens techniques et financiers», dira-t-il. «Ces ajustements techniques consistent en une amélioration du travail cultural et en suivant un itinéraire technique que tout le monde maîtrise. Avec un tel rendement et sur 3 millions d'hectares avec une production de 6 millions de tonnes, on ne serait pas loin des besoins estimés à 8 millions de tonnes», expliquera- t-il encore. Le reste pourrait venir des zones du Sud en intensif avec un rendement moyen de 60 q/ha et nécessitant une mobilisation de moins d'un demi-million d'hectares.