L es deux conférences ont été interdites parce que les organisateurs n'ont pas frappé à la bonne porte. Ils n'ont obtenu qu'une autorisation de l'APC, alors qu'ils devaient passer par le wali, seul habilité à autoriser la tenue de conférences.» C'est en ces termes que la cellule de communication de la wilaya de Béjaïa, contactée par nos soins, a justifié l'interdiction, dernièrement, des conférences de l'anthropologue Younes Adli sur la pensée kabyle et de l'écrivain Larbi Ahyoun qui devaient se tenir au centre culturel d'Aokas. «Le wali n'a aucunement l'intention de verrouiller les libertés dans la wilaya», ajoute la cellule de communication de la wilaya qui reprend les propos du wali. L'argument est tout trouvé : l'empêchement de ces conférences ne serait donc lié ni à un quelconque tour de vis autoritaire dans le pays, ni à aux thématiques prévues, mais finalement à une simple «maladresse» de l'association organisatrice Azday adelsan n'Weqqas, qui aurait écorché l'autorité de l'Etat en passant outre le premier magistrat de la wilaya pour tenir des rendez-vous littéraires. Mais que dit réellement la loi sur l'organisation de réunions ou manifestations publiques ? Selon Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), qui dénonce vivement la vague de persécutions des écrivains dans le pays, il s'agit d'un «verrouillage», mis en branle depuis pratiquement deux ans, des espaces d'expression, en vertu la loi 89-28 relative aux manifestations publiques sur les réunions. «Pour ce qui est de l'autorisation, normalement le président de l'APC est habilité à la fournir. Mais depuis quelques années, cette autorisation est soumise, au moins trois jours avant la tenue de l'événement, à l'approbation de la wilaya ou de la daïra. Il s'agit encore une fois du diktat de l'administration sur les attributions du pouvoir élu», explique Saïd Salhi. «L'interdiction de conférences par les représentants du ministère de l'Intérieur (wilaya et daïra) répondent à une seule logique, celle du verrouillage d'expression démocratique libre et autonome, ce qui est déjà une atteinte à la liberté de manifestation pacifique, de réunion et d'organisation», dénonce-t-il. Il plaide, en outre, pour le retour au système déclaratif pour l'organisation de manifestations publiques et autres. «Cette loi (89-28) a été modifiée en 1991, sous prétexte du maintien de l'ordre public, dans le sillage de l'Etat de siège et d'exception. Et depuis elle est maintenue dans cet esprit, alors qu'au début, il était question de régime déclaratif et non d'autorisation. Le régime d'autorisation, que ce soit pour les réunions, les manifestations ou les associations, doit changer et revenir au déclaratif. C'est le propre des régimes démocratiques, où l'Etat reste l'arbitre tout en laissant les citoyens exercer leurs droits et, en cas d'excès ou de dépassement, c'est à la justice d'intervenir», explique encore Saïd Salhi.