60e anniversaire de l'assasinat de l'avocat Ali Boumendjel. Une comémoration qui n'est pas à la mesure de la grandeur de l'homme. Retour sur les lieux d'un crime. Me Ali Boumendjel, ou le supplice d'un homme juste Après le numéro de l'immeuble, on cherche à apercevoir les terrasses. A l'entrée du n°92 rue Ali Khodja, à El Biar, point de plaque pour rappeler la mort tragique de Ali Boumendjel, avocat du premier collectif du FLN, dont on commémore cette année l'assassinat par les paras du général Massu. Barrant le haut du petit portail en fer, une plaque en plastique porte le nom en gros caractères rouges de l'Olympic Club d'El Biar (OCEB). Le couloir d'entrée longeant la salle de judo a été lavé à grande eau par les services de voirie de l'APC d'El Biar. Plus haut, en remontant les escaliers, le silence de le la cour entièrement carrelée tranche avec l'agitation de la bruyante rue Ali Khodja (ex-Clémenceau). Soixante ans après la tragique mort de l'avocat, rien dans cet ensemble de cinq étages couleur blanche et ocre ne permet de rappeler qu'à cet endroit des hommes ont été torturés, et l'un deux, Me Boumendjel, militant de l'UDMA de Ferhat Abbas et membre du Collectif des avocats du FLN a été balancé de la terrasse après avoir été assommé d'un un coup de manche de pioche derrière la nuque. L'injustice commise par les autorités nationales à l'encontre de l'avocat disparu allait être réparée hier. En effet, une plaque devait être ainsi posée hier à l'occasion du soixantième anniversaire de sa mort à l'entrée de la salle de judo. Mais la cérémonie que devait présider le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, a été reportée pour la mi-avril. «On devait baptiser la salle de judo au nom du chahid Ali Boumendjel. La cérémonie est reportée pour le 15 du mois d'avril à 9 heures à cause probablement de l'agitation qui a dû suivre les dernières élections du barreau d'Alger tenue le 18 mars. L'initiative de l'opération a été prise par le bâtonnat présidé par Me Abdelmadjid Sellini, en coordination avec les commissions de la wilaya et de notre APC», a précise, hier, à El Watan Week-end, Benseghir Chafik, vice-président à l'APC d'El Biar, qui indique que la stèle en arabe et en français «est déjà prête, elle est chez les avocats», lesquels fêtent, chaque 23 mars, leur Journée nationale. Pas de commémoration dans l'immédiat Arrêté le 9 février 1957 par les paras, l'avocat est torturé dans plusieurs sites (caserne du génie à Hussein Dey, haouch Perrin à Tixeraîne, hôpital Maillot), avant d'être assassiné 43 jours plus tard, le 23 mars, sur ordre du commandant Aussaresses. Dans l'édifice d'El Biar avaient été détenus et torturés le journaliste Henri Alleg et le mathématicien Maurice Audin, porté disparu à ce jour. Henri Alleg, ancien directeur d'Alger Républicain, rappelle dans La Question qu'il avait reconnu l'immeuble d'où l'avocat a été jeté. Il en donne une description : «Les fers du ciment armé apparaissaient ça et là dans la maçonnerie ; l'escalier n'avait pas de rampe, des plafonds gris pendaient les fils d'une installation électrique hâtive». La structure, en construction lors de son occupation par les paras, sera finalement achevée et occupée juste après l'indépendance. L'un des occupants de l'imposant bâtiment doté de plusieurs entrées est membre de l'Organisation nationale des Moudjahidine (ONM), qui a son siège au n°96 de la même rue, Ali Khodja : «Nous étions une trentaine d'éléments de Bab El Oued à avoir été rappelés par l'organisation pour tenir en main le quartier qui connaissait une forte agitation. Moi, j'ai occupé un appartement au 4e étage du 94. J'y ai trouvé une arme avec des munitions enfouies dans un sac pour enfant. J'ai aussi installé mon voisin de la cité Pérès à Climat de France, H. Ouarab, décédé depuis, dans un appartement du quatrième étage de l'immeuble du 92 où justement des paras avaient torturé des moudjahidine. Les gens refusaient d'aller sur la terrasse. J'ai dû les rassurer», se rappelle Kirelli Abdelkrim, membre de l'ONM, rencontré dans son impeccable «musée» au mur couvert par les photos de la Révolution, mais visiblement pas une de Me Boumendjel. L'histoire officielle n'a pas réservé une place significative à ce «conseiller» du membre du CCE, Abane Ramdane. A peine des noms de rue, à Alger-Centre, une stèle truffée d'erreurs au tribunal d'Alger. Rien n'est, semble-t-il, prévu par les organisations officielles. Seule initiative à ce jour : le «forum» organisé par l'association Machaâl Echahid à El Moudjahid où étaient présents la nièce du défunt, ses anciens confrères du collectif des avocats du FLN, Mes Hadj Hamou et Ghaouti Benmalha, ainsi que le bâtonnier d'Alger, Me Sellini, qui était à l'origine de la célébration de la Journée nationale de l'avocat en 2002, et Me Fatima-Zohra Benbraham.