Plusieurs témoignages des représentants des robes noires sur le courage sans égal du chahid Ali Boumendjel, à l'instar de Me Sellini, avocat du barreau d'Alger, de Me Mahmoud Zertal, qui avait défendu le chahid Ahmed Zabana, premier guillotiné algérien durant la Révolution, ont été apportés. Bien que court, c'est le témoignage de la nièce de Ali Boumendjel (fille de Ahmed Boumendjel, son aîné, qui sera, lui aussi, avocat et ministre des Travaux publics) qui marque, par son caractère émouvant, les esprits. C'était « un intellectuel amoureux de la justice, un pacifiste qui aimait la vie, la musique, qui pratiquait le sport » et qui avait aussi ses « positions extrémistes », c'est-à-dire qui défendait ses idées. Ainsi parlait la nièce de son oncle au détour d'un débat sur « l'utilité de la grève des 8 jours ». Ali Boumendjel, militant de l'UDMA, avait plaidé pour « l'unité du mouvement national » avant 1954 et avait fini par se mettre à la disposition du FLN dès novembre 1954. Il sera le conseiller technique d'Abane Ramdane. Mais en raison de ses activités, un peu « suspectes aux yeux de la police française », il sera vite mis sur la liste rouge en tant qu'« élément dangereux », selon le Dr Rékhila, historien. Ali Boumendjel sera arrêté le 8 février 1957 à Belcourt, et subira pendant 43 jours les affres de la torture. Il sera défenestré du 6e étage d'un bâtiment à El Biar, sur ordre de Massu et Bigeard, exécuté par les sbires d'Aussaresses. Le meurtre de ce jeune avocat de 38 ans sera maquillé en « suicide ». Dès son arrestation, son frère, qui avait déjà des pressentiments sur le sort qui allait être réservé à son frère, fera tout pour alerter les autorités politiques et ecclésiastiques, Mendés France, François Mauriac, y compris le président de l'époque, René Cotty. C'est peine perdue. Le sacrifice d'Ali Boumendjel aura servi quand même à quelque chose : la création d'une commission d'enquête sur la pratique de la torture dans les prisons en Algérie. Celle-ci a permis de « sauver beaucoup de têtes », selon sa nièce. On remarquera l'absence, à cet hommage, de Me Amar Bentoumi, pour « raisons de santé ». Cet autre élément, pilier du collectif des avocats pour la défense des militants du FLN, ne dut son salut que grâce au courage d'Ali Boumendjel face à ses tortionnaires. Le forum d'El Moudjahid a, par la même occasion, permis de parler du rôle des avocats dans la défense de la cause nationale et la mobilisation de l'audience pour « des procès politiques contre la colonisation », selon le Dr Rékhila. Les avocats algériens exerçaient dans des conditions difficiles. Le Barreau n'a été reconnu accessible aux Algériens qu'à la suite d'une « grande bataille judiciaire », soit après un arrêt de la Cour de cassation française en 1914. La défense était un exercice difficile pour les robes noires, en raison du « vote des pouvoirs spéciaux en Algérie et la promulgation de deux lois d'exception en 1956 et la dévolution des procès mettant en cause des Algériens à des tribunaux français », a-t-il rappelé.