Synthèse par Sihem Ammour Le parcours du mythique avocat, Ali Boumendjel, militant de l'Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA) et membre d'un collectif de défense des militants du FLN, était au cœur de la conférence animée par L'historienne Malika Rahal, jeudi soir dernier, au Centre Culturel Algérien à Paris (CCA). La conférence a été organisée dans le cadre de la présentation de son livre-biographie, Ali Boumendjel (1919-1957) : une affaire française, une histoire algérienne, paru aux Editions Barzakh. A cette occasion, Malika Rahal a mis en exergue le fait que «Boumendjel représentait l'aile gauche de l'union et travaillait à la rédaction d'articles dans le but de décoloniser l'Histoire de l'Algérie, d'inscrire le mouvement vers l'indépendance dans une révolution anticoloniale mondiale», précisant que «le militant était singulier en ce qu'il est particulièrement attaché à la discussion avec tous les autres courants du nationalisme». Malika Rahal explique qu'en pleine guerre d'Algérie de 1956-1957, où les autorités coloniales confient les pouvoirs de police aux parachutistes commandés par le général Massu., le jeune avocat est arrêté le 9 février 1957 sur son lieu de travail, quelques jours après la grève des 8 jours et, en pleine Bataille d'Alger, indique que les parachutistes ont raconté qu'il a été arrêté «dans le cadre d'une affaires d'armes et d'organisation d'attentats, mais en fait, à l'époque, les parachutistes ciblaient tous ceux qui étaient en relation avec le FLN et Ali Boumendjel était le lien entre l'UDMA et le FLN». Malika Rahal affirme aussi qu'Ali Boumendjel a été longuement et sauvagement torturé durant son arrestation, subissant toutes sortes de supplices, puis assassiné quarante-cinq jours plus tard sur ordre du commandant Aussaresse qui a reconnu son assassinat dans ses mémoires. L'historienne souligne qu'«Officiellement, on prétend qu'il s'est suicidé, mais l'autopsie a révélé que, lors de sa chute du sixième étage d'un immeuble abritant un centre de torture situé à El Biar, sur les hauteurs d'Alger, il n'y avait aucune fracture de défense sur son corps, ce qui suppose qu'il était déjà mort lors de sa chute de l'immeuble», affirme Mme Rahal qui précise aussi que la vérité sur la mort de ce militant fauché à la fleur de l'âge, à 36 ans «n'a jamais été reconnue par les autorités françaises». L'historienne rappellera qu'en signant des aveux, tous les jours plus spectaculaires et tous faux, extorqués sous la torture, Ali Boumendjel a permis de sauver plusieurs militants et responsables du FLN, dont l'avocat Me Amar Bentoumi, et qui admettent qu'ils lui doivent la vie. L'affaire Ali Boumendjel, dira par ailleurs l'historienne, n'a été connue en France que «grâce au geste spectaculaire de l'ancien ministre de l'Education nationale du général de Gaulle et résistant, René Capitant, alors professeur de Droit à la faculté de Paris». En effet, René Capitant, non convaincu du suicide de son ancien étudiant, décide de suspendre ses cours en guise de protestation, et envoie une copie de la lettre adressée à ses supérieurs à plusieurs journaux, soulignant enfin que la mort de Boumendjel «a mobilisé des intellectuels, des avocats, des hommes politiques et de nombreux anonymes contre la torture et les méthodes de l'armée française en Algérie».