La médecine des plantes : phytothérapie et aromathérapie De nombreux végétaux étaient utilisés de manière interne ou externe. Le grenadier, l'opium, le caroube, le cumin, le basilic, l'œillet, le poivre, le safran, l'ail, l'oignon, le fenouil, le thym, le romarin, la cannelle, la girofle, le pin, le genévrier, l'eucalyptus, le lentisque, le harmel (ruta graveolens), les fleurs d'oranger et de jasmin, etc. Les tebibs tenaient compte de l'influence du terrain et du climat sur les plantes médicinales et choisissaient donc les lieux de leur culture et le moment de leur récolte. Les ouvrages d'Averroès et de Honul Baytar de Malaga sur les plantes méditerranéennes leurs étaient connues. De nombreux gargarismes, inhalations, produits anti-brûlures cicatrisants, lotions calmantes, à base de plantes étaient utilisés. Jugulaient les épidémies (peste) en faisant brûler dans les maisons des plantes odorantes. Ils savaient anesthésier avec des macérations de végétaux. Le vinaigre était utilisé comme antiseptique. La vertébrothérapie et la balnéothérapie (le tekyasse et le tfarkah) Bien avant le docteur Stili (1828-1917) et l'américain Palmer (1895), les médecins arabes pratiquaient et conseillaient l'ostéopathie et la chiropraxie qu'ils appellent le tekyasse ou le tfarkah qui se compose de massages le long des gouttières vertébrales, d'élongations et de manipulations diverses. Ce tekyasse est réalisé dans les bains maures par le kyasse ou moutchou. Cette pratique, encore vivante de nos jours dans la majorité des bains maures, n'est-elle pas le précurseur des centres actuels de balnéothérapie ? Les actes chirurgicaux Le djarah arabe avait une grande réputation dans le traitement des plaies et des fractures, de même que dans les amputations. Les médecins Buch & Rocheau dans un article intitulé « Les médecins maures », paru dans le Moniteur algérien de février 1840, réduisait l'arsenal opératoire des chirurgiens à une ventouse, un morceau de pierre infernale, de l'amadou, de la charpie, une paire de ciseaux, une lancette et un bistouri. Quelques dizaines d'années plus tard, Nedhart consentit à y ajouter des rasoirs, des scalpels, des lancettes et toutes sortes d'appareils à pointe de feu comparant cette instrumentation à la trousse de Dominique Larrey. En fait l'instrumentation chirurgicale était beaucoup riche et variée. Nous empruntons à Ahmed Dhieb les reproductions d'instruments utilisés à l'époque dans le Maghreb et le monde arabo-musulman. Instruments chirurgicaux utilisés par les djerahine arabes Ces différents instruments sont confectionnés dans les villes par des ouvriers, et la communauté juive et à l'intérieur du pays par les forgerons et armuriers. Plus on s'éloigne des montagnes vers le sud du pays, plus la panoplie instrumentale du toubib diminue au bénéfice des remèdes externes. Dans le cas de l'amputation de la main pour vol, c'est le djarah qui appliquait la sentence en procédant à l'amputation au niveau du poignet et en cautérisant la plaie pour arrêter le saignement. Lorsqu'il s'agit d'une amputation du pied, celle-ci est réalisée au niveau de la ligne tarsométatarsienne, gardant ainsi le tarse, ce qui permet à l'amputé d'utiliser le talon pour la marche.Il pratiquait également l'extraction de balles, les cautérisations et scarifications à l'aide de différentes variétés de tenailles, couteaux à lame courbe et anneaux de fer de diverses grandeurs, que l'on rougit pour cautériser les plaies par armes à feu. La suture des plaies était connue de certains d'entre-eux. Les fils sont des nerfs de chameaux séchés au soleil et divisés en parties, aussi fines que la soie ou des poils de chameaux. Pour réaliser leurs interventions chirurgicales, les djerahine disposaient de divers anesthésiques, dont l'opium et la décoction de cigue (plante vénéneuse de la famille des ombellifères). Certains djerahine pratiquaient en outre la trépanation dans le cas de plaie du crâne avec fracture. Selon certains médecins de la colonisation, en cas de fracture ouverte au niveau d'un membre, les médecins arabes ménageaient des ouvertures pour observer et panser les plaies dans la djebira qui assurait la contention du foyer de fracture. Dans les fractures de la clavicule, ils utilisaient un coussin axillaire, retenu par une lanière de peau passant sur l'épaule opposée (ancêtre du fameux « huit » utilisé de nos jours). Dans les villes, la petite chirurgie est généralement confiée au haffaf (barbier). Le tebib citadin laisse le soin des saignées et de l'extraction des molaires à ce dernier. Il en était de même de la circoncision confiée au haffaf (khtana ou thara). La cautérisation très utilisée par les tebibs se pratique avec un couteau bien rougi au feu. Le tebib en percute légèrement et à plusieurs reprises la région ou l'organe malade. Parfois, il trace des lignes extrêmement fines et à peine profondes. Ces scarifications très courtes, très rapprochées et peu profondes se pratiquent à l'occiput, au front, au tiers inférieur de la jambe et sur les régions correspondant aux organes malades. Le couteau rougi à blanc est également utilisé pour ouvrir les abcès, les tumeurs, pour inciser en général. Certaines kablate pratiquaient la réduction des prolapsus génitaux ainsi que les manœuvres de version lorsque l'enfant ne se présente pas en position céphalique. Les affectations mammaires sont traitées par ces kablate : les crevasses avec de la poudre très fine de henné ou de chebb (alun) auquel on ajoute quelques gouttes de ma zhar (eau de fleur d'oranger). l'allaitement était arrêté pour toute affection mammaire. La médecine militaire Outre la médecine turque qui était orientée essentiellement vers la troupe, lors des guerres tribales, des tebibs suivaient la troupe pendant les combats. Ces toubba lasakar (médecins de troupes) étaient organisés en une véritable institution dans les troupes de l'emir Abdelkader comme on peut le lire sur le règlement des troupes régulières : « le sultan a désigné un chirurgien qui est éclairé et qui a les connaissances nécessaires de son état. Les askars malades seront transportés dans une maison où ils trouveront les soins dus à leur position. Il y aura des askars qui serviront les malades et se nommeront çanaâ (infirmiers, apprentis) qui devront étudier la médecine et qui seront nommés par le sultan lorsque les chirurgiens les jugeront assez forts pour professer leur état. Ils rempliront ces fonctions en garnison comme en campagne ; leurs émoluments, leur nourriture et leurs besoins leur seront donnés par le gouvernement. » Le thermalisme Plus de soixante sources chaudes étaient utilisées par la population autochtone à l'arrivée des français en Algérie (Les Eaux minérales de l'Algérie, Ed. Dunod et Pinat, 1911). Ces sources thermominérales, dont l'utilisation remonte aux temps les plus reculés, avaient des piscines rudimentaires mais judicieusement placées. Parmi les plus fréquentées, on peut citer : Hammam Berrouaghia, Hammam Bradaâ, Hammam Bou Hadjar, Hammam Bougherra, Hammam Bou Hanifia, Hammam El Biban, Hammam Guergour, Hammam Melouane, Hammam Meskhoutine, Hammam Ouled Messaoud près de Guelma, Hammam Ouled Mdellem près de la frontière tunisienne, Hammam Righa, Hammam Salihine, Hammam Sidi Bou Abdallah sur le Chélif, etc. Si certains étaient déjà utilisés par les romains comme le prouvent les vestiges trouvés sur place, d'autres n'étaient connus que par la population locale. C'est le cas de Hammam Melouane, situé au pied des Monts de l'Atlas à 37 km d'Alger. La tradition fait remonter ces sources chaudes de l'oued El Harrach au roi Salomon. La légende prétend que le sultan Sidi Slimane (roi Salomon), voulant effectuer un long voyage à travers le monde, avait envoyé en éclaireur des génies pour préparer des bains où il pourrait, avec sa suite, se reposer des fatigues de la route. Dans sa sagesse, il avait choisi des djinns aveugles, sourds et muets, afin qu'ils ne puissent voir ni surtout divulguer les mystères de ces bains merveilleux. Le sultan Sidi Slimane étant mort, personne depuis ne put connaître le secret des génies. Selon une autre légende, un bey très riche, dont la fille était percluse de tous ses membres, réunit en consultation les savants du pays. D'un commun accord, ceux-ci prescrivirent l'immersion de la malade dans une dépression où se réunissaient les eaux d'El Harrach. La guérison ne tarda pas et le père reconnaissant fit édifier une kouba en l'honneur de Sidi Slimane. La piscine sacrée du marabout Sidi Slimane est très activement fréquentée jusqu'à nos jours par la population. Pour en savoir plus : Belarbey M. S. La médecine arabe en Algérie.Thèse de médecine soutenue le 16 juillet 1884 à Paris. Belguedj Med Salali. La médecine traditionnelle dans le Constantinois. Thèse, Strasbourg, 1966. Bertherand E. Médecine et hygiène des arabes. Paris Ed. G. Baillière, 1855. Bouamrane F. Le docteur Mohamed Ben Larbey Seghir. Un des pionniers de la médecine algérienne contemporaine. Terikh Ettib. 2005 ; 3 : 8-30 Buch R. & Rocheau A. Les médecins maures. Le moniteur algérien. Fev.1840. Camussi H. La Rage, son traitement et les insectes vésicants chez les Arabes. (Paris), 1888. Daumas E. Mœurs et coutumes de l'Algérie-Tell-Kabylie-Sahara. Ed. Hachette, 1864. Desparmet J. Coutumes, institutions, croyances des musulmans de l'Algérie. Ed. Carbonel, 1948. Foley H. Mœurs et médecine des touareg de l'Ahaggar. Fac similé, édition de 1930. Hureiki J. Médecines touarègues traditionnelles. Ed. Karthala. Collection Hommes et sociétés 2000. ISBN : 2845860404. Lamarque L. Recherches historiques sur la médecine dans la régence d'Alger. Leclerc, L. Histoire de la médecine arabe. 1876. Khiati M. Histoire de la médecine en Algérie. Ed. ANEP 2000. J. de Saint Denis. Considérations sur la régence d'Alger. 1831 Shaw T. Voyage dans la régence d'Alger. Ed. Chez Marlin, Paris 1830.