A l'occasion de la célébration de la Journée mondiale du théâtre, le Théâtre national d'Alger a arrêté, hier, un riche programme d'animation et dressé un constat amer à propos des archives du 4e art algérien. Dans la matinée de lundi, la salle M'hamed Benguettaf du TNA a abrité une conférence portant sur les archives théâtrales, animée par deux universitaires. Le dramaturge et metteur en scène Mohamed Boukerras a, d'emblée, rappelé que toute archive se doit de préserver l'œuvre identitaire et ses droits d'auteur. Si la totalité de la civilisation gréco-romaine est répertoriée à travers un archivage des plus fiables, l'orateur note que l'Algérie est déficitaire en matière d'archives théâtrales. Il n'existe aucune politique, ou encore aucun centre, spécialisé dans les archives du 4e art. Selon lui, des défis sont à relever pour justement sauvegarder ce genre de document, qui est d'un apport important pour, entre autres, les chercheurs et les universitaires. «Les efforts individuels, dit-il, contribuent à sauvegarder un quelconque héritage à travers des publications». Mohamed Boukerras rappelle que le théâtre de marionnettes a été créé en Algérie en 1843, mais que l'Etat colonial de l'époque l'a vite arrêté. «Aujourd'hui, on ne retrouve aucun document stipulant l'arrêt de cette pièce de théâtre pour marionnettes», lance-t-il. Autre exemple cité, celui de la pièce théâtrale intitulée Djeha, jouée en 1926. Il s'agit de l'une des pièces fondatrices du théâtre algérien. Mieux encore, les textes de la troupe théâtrale du FLN ne sont pas disponibles en version papier, ni au niveau des théâtres algériens ni au niveau d'un un quelconque musée. «Aujourd'hui, ajoute-t-il, nous n'avons aucun texte de cette pièce en Algérie, mais ce texte existe dans les archives françaises. Durant cette période cruciale de l'histoire, beaucoup de navires ont embarqué notre patrimoine matériel et immatériel.» Pour le dramaturge, les archives se trouvant à l'étranger doivent, absolument, revenir au patrimoine algérien. Cependant, les archives existantes en Algérie doivent être soumises à l'archivage numérique, pour faciliter la consultation aux intéressés. L'orateur estime qu'il serait aussi intéressant de faire une liste des lieux d'archives privées, où il est possible de consulter des fonds inédits. Mohamed Boukerras s'interroge : «Où sont les documents d'archives sur lesquels s'est appuyé le regretté Mahieddine Bachtarzi pour la rédaction de son autobiographie de trois tomes ?» Il affirme que certains écrits, rédigés par certains universitaires, chercheurs et journalistes ont leur pesant d'or. De même pour certains reporters-photographes, qui ont su immortaliser de belles scènes théâtrales, et ce, à l'image du regretté Ali Hafied. Mohamed Boukerras indique que lors de certaines grandes manifestations, telles que «Alger, capitale de la culture arabe 2007» et lors d'un colloque, tenu en 2012 en marge du Festival national du théâtre professionnel», la sonnette d'alarme a été tirée concernant la création d'un centre d'archivage. De son côté, Saïd Benzerga, professeur à l'université d'Alger, a, dans le cadre de son intervention, mis également l'accent sur le manque d'implication dans les archives théâtrales. Il révèle que l'écrivain Mohamed Dib a consacré une vingtaine d'articles sur le théâtre algérien. Ces écrits feront l'objet, prochainement, d'une publication. «Il est impératif de préserver tout document relatif au théâtre algérien. Tous les textes, affiches, et prospectus auront de la valeur dans le temps. Nous ne pouvons pas construire le présent sans le passé et sans les archives», argue-t-il. Intervenant dans le cadre du débat, pour sa part, Saïd Bensalma, ayant occupé le poste de directeur du TNA pendant douze ans jusqu'à sa mise à la retraite en 1988, dresse un constat des plus amers. Il indique que vers la fin des années 80 tout le répertoire du TNA était répertorié. «Quelques années après, il n'y a plus rien. Toute une partie des archives du TNA a été transférée au Télemly. Je pense que pour sauvegarder nos archives, il faut commencer par la base. Il faut donner les moyens et le matériel adéquat pour préserver nos archives qui sont exposées à l'humidité».