Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique aurait instruit les responsables des établissements d'interdire toute activité de campagne électorale à l'intérieur des espaces universitaires. Ainsi, le ministre Tahar Hadjar, qui est lui-même candidat FLN pour sa région natale, Tiaret, maintient un cap pour le moins flou sur «la pratique» de la politique dans les universités. Après avoir incité, en novembre dernier, les organisations estudiantines et par là les étudiants à faire de la politique en mettant toutefois un bémol sourd sur une logique particulière, à savoir «faire de la politique, oui, mais de la politique partisane, non !» Donc, après cet appel, voilà qu'aujourd'hui il n'admet aucune intrusion de ces joutes électorales dans les espaces sous sa tutelle. «C'est insensé. Dans un fonctionnement normal des institutions et une exploitation normale des espaces, c'est justement dans les universités que les débats politiques devraient se faire. Avec cette décision, l'université est un autre espace de confisqué», regrette le chargé de communication du Front des forces socialistes (FFS) Hassan Ferli, qui assure que le parti n'a pas d'antenne officieuse dans les campus — ces organisations estudiantines, satellites illégaux des partis politiques —, annonce toutefois que des sections universitaires présentes au niveau des espaces universitaires vont bien mener campagne «dans la mesure de ce qui est permis». «Nos jeunes étudiants vont tout faire pour inciter leurs collègues à participer aux élections. Ils vont faire leur travail de militants», poursuit-il. Abondant dans le même sens, le chargé de communication du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) s'interroge : «Je ne vois pas pourquoi le ministère écarte les étudiants d'un débat essentiel pour l'avenir du pays. On devrait plutôt engager tous les débats sérieux, que ce soit sur l'économie, le tourisme, la société ou autres au niveau des universités. Quel est l'intérêt de fermer cet espace ?» Atmane Mazouz explique que le parti, à travers la Jeunesse libre du RCD, va investir tous les espaces possibles pour mener campagne. «Notre jeunesse et nos étudiants iront dans tous les espaces. Ils occuperont tous les lieux. Cette décision du ministère ne cadre pas avec tous les discours qui chantent la mise en avant de notre jeunesse et ceux qui appellent au rajeunissement des décideurs», tranche-t-il. Du côté des organisations estudiantines, le ton est plus mesuré. «On n'a prévu aucune activité spécifique pour la campagne à l'intérieur des universités. C'est d'ailleurs interdit», assure le secrétaire général de l'Union générale des étudiants libres (UGEL). Duperie Cela dit, Samir Anser explique qu'il y a bien d'anciens cadres de l'organisation et d'autres collègues qui se sont portés candidats pour les législatives de 2017. «Il y a des affinités, certes. Des membres de l'Ugel vont bien mener campagne pour certains de ces candidats, mais cela se fera à titre individuel et en dehors des espaces universitaires. On va faire du travail de proximité car on est, en tant qu'étudiants, concernés aussi par l'activité politique», poursuit-il. Ainsi, l'incohérence dans la gestion de la pratique politique bat son plein. Alors que la phobie de l'abstention tétanise aussi bien les organisateurs que les participants aux élections, que le désintérêt manifeste de la population pèse lourdement sur les législatives, toute possibilité d'animation «politique» devrait être la bienvenue. Au lieu d'émettre des directives comme celle du ministre de la Communication, en appelant les médias à ne pas «donner la parole à des parties qui appellent au boycott», ce sont les espaces d'échange qui devraient être généralisés. Par ailleurs, depuis la divulgation des listes électorales, chaque parti se targue de compter des universitaires parmi ses candidats. Cette participation étant considérée comme un gage de sérieux et de crédibilité par opposition aux candidats friqués, indignement fortunés. Le Front de Libération Nationale est tout fier d'annoncer que 70% de ses candidats sont des universitaires. Donc, cette tranche de la population est bien qualifiée pour faire de la politique. «Il faut vraiment étudier de près ces affirmations. Tous les partis mettent en avant le taux de leurs universitaires candidats. Mais, j'aimerais bien qu'ils révèlent la position de ces derniers sur les listes», intervient Samir Anser. «Je souhaiterais bien que chaque formation politique donne le taux d'universitaires portés candidats dans les trois premières positions sur les listes. Là, on verra bien que le pourcentage va vite chuter», poursuit-il en suspectant que les universitaires sont justes des faire-valoir pour que les têtes de liste, «généralement des nababs fortunés», sortent vainqueurs. Voilà donc une autre duperie dont les universitaires se passeraient bien. La simple décision d'interdire le débat politique à l'intérieur des établissements universitaire, qui pourrait passer pour un acte de protection de la franchise universitaire, est en fait un aveu tacite du manque de confiance qui leur est accordé. Les universitaires sont en fait infantilisés dès qu'il s'agit de l'implication dans la vie politique. Et cela ne date pas d'aujourd'hui.