Dans le cadre de la tenue du 12e Festival international du film oriental de Genève, en Suisse, la cinématographie tunisienne était à l'honneur en cette deuxième soirée de compétition consacrée aux longs métrages. Placé sous le signe de la culture du dialogue, du vivre-ensemble et de la paix, le 12e Festival international du film oriental de Genève (Fifog), qui se poursuivra jusqu'au 9 avril 2017, à Genève, à Versoix, à Lausanne et en France voisine, propose une centaine de films venus d'Orient et d'Occident. Ainsi, mardi soir, de nombreux cinéphiles ont pu assister au niveau de la salle de cinéma Simon Grütli à la projection de deux longs métrages tunisiens, Corps étranger, de Raja Amari, et Demain dès l'aube, de Lotfi Achour. Ces films, à la trame bien construite, mettent l'accent sur certains problèmes liés à la société tunisienne. Le premier long métrage de fiction programmé, Corps étranger, produit en 2016 par la réalisatrice tunisienne, Raja Amari, revient sur l'histoire poignante de Samia, - incarnée par Sarah Hannachi - une jeune fille ayant fui son village en Tunisie pour accoster clandestinement sur les rivages de la France. L'incipit du film s'ouvre sur un tableau tragique montrant des naufrages en Méditerranée. La résultante de cet exil forcé et dangereux à la fois est son frère aîné Mourad. Un extrémiste emprisonné depuis huit ans dans une prison inconnue en Tunisie et dénoncé par la courageuse Samia au lendemain de la révolution. Se sentant en danger au quotidien, elle décide de tenter une aventure des plus dangereuses. En effet, n'ayant rien à perdre, elle échafaude un plan à haut risque. En débarquant par pur hasard dans un bistrot, elle croise un ancien voisin, Imad. Un sans-papiers qui travaille en qualité de serveur dans ce lieu. Celui-ci l'héberge chez lui quelques jours avant qu'elle ne trouve du travail chez Leïla. Cette bour-geoise ayant perdu son mari, Paul, depuis peu, donne l'opportunité à Samia de se reconstruire un tant soi peu. Entre méfiance et peur, cette jeune refugiée au visage «mi ange-mi démon» aspire à travers sa quête à se reconstruire positivement. Difficile pour cette manipulatrice de gérer la situation, quand les trois personnages principaux se retrouvent enchevêtrés dans des situations du moment bien embarrassantes. Samia arrivera à trouver une certaine sérénité en œuvrant pour l'expulsion de Imad vers la Tunisie et en apprenant que son frère est mort en prison. Ce quatrième long métrage de fiction de 92 minutes de la réalisatrice tunisienne, Raja Amari, offre plusieurs grilles de lecture, avec des ingrédients servis avec modération. En effet, à travers des clichés bien intentionnés montrant ce moyen de survie du personnage principal, la réalisatrice a mis l'accent sur plusieurs thèmes importants, entre autres l'émigration clandestine, le djihadisme, le chômage et le corps de la femme. Le second long métrage, intitulé Demain dès l'aube, réalisé en 2016 par Lotfi Achour, aborde avec tact le processus de la révolution tunisienne de 2011. Ce scénario écrit à six mains propose en 93 minutes un flash-back des plus poignants. L'histoire se déroule dans la capitale, trois ans après le printemps arabe. L'entame du film débute par des ateliers pour enfants sourds-muets, où ces petites têtes innocentes se plaisaient à coucher sur leurs feuilles les horreurs vécues. Zaineb et Alyssa sont des amies de cœur qui se retrouvent à Tunis après trois années de séparation. Alyssa vit en France. Les retrouvailles donnent naissance à des souvenirs indélébiles, mais révolus à jamais. Journaliste de formation, Zaineb est déterminée à médiatiser l'exaction commise par certains policiers tunisiens, dont un commissaire de police ayant violé Houcine, un adolescent de 15 ans. Des images douloureuses se bousculent dans la tête de ces jeunes filles. Elles se remémorent avec force détails les émeutes survenues en cette nuit du 14 janvier. Elles sont contraintes de se cacher en compagnie d'autres compatriotes dans un appartement inconnu pour ensuite rejoindre, tard dans la nuit, les terrasses. Dans cette quête de survie, Zaineb (Anissa Daoud) et Alyssa (Doria Achour) sont accompagnées par Houcine Achraf Ben Youssef. Perdant patience, ce dernier décide d'aller seul en éclair vers l'inconnu. Il est surpris par deux policiers en faction, dont l'un n'hésite pas à le tabasser avant de le violer. Trois ans plus tard, en 2014, les deux jeunes filles décident de retrouver le jeune disparu dans un village à Sbeîtla. Ces femmes, qui développent une force extraordinaire de détermination, iront à la découverte d'une triste réalité. Dans un va-et-vient entre le passé et le présent, Demain dès l'aube de Lotfi Achour est un film puissant, qui aborde avec intelligence l'ère de l'ancien président tunisien Benali, la répression policière, l'abus de pouvoir, l'anarchie et la résistance, mais avec en toile de fond cet inconditionnel message d'espoir et d'embellie, rehaussé par la bande sonore d'extraits musicaux nostalgiques du chanteur Lili Boniche. Il est à noter que la cinématographie algérienne sera à l'affiche ce soir, avec la projection en compétition de trois métrages de fiction : Chronique de mon village de Karim Triadia, Tales of Africa de Djilali Beskri, et Timgad de Fabrice Bouchouchi.