Le gouvernement italien, sous la pression des syndicats des ouvriers d'Aferpi (l'usine sidérurgique relevée par Cevital en 2015), a décidé d'observer la ligne de l'intransigeance avec le partenaire algérien, en notifiant à la société la mise en demeure pour «non-observation des engagements contractuels». La réunion qui s'est déroulée au siège du ministère du Développement économique, mercredi dernier, n'a pas convaincu les responsables de l'Exécutif italien et les représentants des syndicats du secteur de la sidérurgie. Si le plan présenté par Cevital pour redresser l'aciérie de Piombino avait été bien ficelé, l'entreprise aurait pu passer du statut de «sous-contrôle» à la seule gestion de l'actionnaire majoritaire, Cevital, le 1er juillet 2017. Mais il semble que les arguments avancés par le groupe industriel algérien, représenté par son patron Issad Rebrab, qui s'est déplacé dans la capitale italienne pour défendre (en vain) sa stratégie, n'ont pas convaincu les responsables italiens, qui ont choisi de préserver les intérêts des travailleurs d'Aferpi (ex-Lucchini), en proclamant la mise en demeure de l'usine. Deux voies seront alors praticables : la prorogation de deux ans de l'application de la loi Marzani (contrôle institutionnel), qui oblige l'acquéreur d'une entreprise en difficulté à maintenir l'emploi pour une durée de deux ans, ou alors, hypothèse extrême, la résiliation du contrat avec Cevital pour cause d'inexécution. Les syndicats auxquels adhère le collectif d'Aferpi, qui avait voulu la réunion à laquelle ont pris part le maire de Piombino, Massimo Guliani, le ministre du Développement économique, Carlo Calenda, le président de la Région de Toscane, Enrico Rossi, et le numéro un de Cevital, estiment que ce sommet «s'est conclu sans nouvelles optimistes de la part de Cevital, mais au moins par une prise de position ferme de la part du gouvernement», selon ce que l'un des représentants syndicaux de la Fim (Federazione italiana dei metalmecanici), Michele Nardini, nous a révélé à la fin de la rencontre. Dans le communiqué transmis à la presse par les trois syndicats, FIOM, Fim et Uil, on relève la satisfaction de ces derniers : «La décision d'aller vers le prolongement de la période du contrôle institutionnel de l'entreprise est une solution qui doit être appliquée dès que possible pour le maintien de la production et de l'emploi.» La position de Cevital, affaiblie dès le départ par un mois de grève générale du secteur sidérurgique de Piombino et l'occupation depuis deux semaines, par un sit-in permanent de la salle des réunions de la municipalité de Piombino, s'est avérée délicate (lire El Watan du 16 avril 2017). Convoqué le 6 avril dernier à Rome, le patron, Rebrab, qui avait boudé la première convocation, devait, cette fois-ci, répondre à une question simple : «Comment son groupe allait-il procéder, dans l'immédiat, à l'émission d'argent liquide dans les caisses de l'entreprise (au moins 25 millions d'euros), à l'acquisition d'un four électrique (sur les deux promis), à la bonification de 62 hectares de terrain pour passer de la production d'acier polluante à celle propre après le démantèlement des infrastructures non utilisées ?» D'après la réaction ferme du ministre du Développement économique, Calenda, le plan proposé par la partie algérienne n'a pas convaincu les autres participants. Le syndicaliste, Nardini, nous explique que la traduction des propos de Rebrab, tenus en français, a même «irrité» les ouvriers. «Rebrab a soutenu qu'en France le gouvernement l'a aidé dans ses investissements, mais en Italie, ni les banques ni les institutions financières ne l'ont fait. Cela ne répond pas à nos interrogations sur le sort de notre usine», nous déclare un autre syndicaliste. Dans une position unifiée, les collectifs Cgil, Cisl et Uil de Livourne, et par la voix du secrétaire national de Fiom, Rosario Rappa, ont jugé l'attitude du gouvernement de leur pays comme étant «positive» ! Le gouvernement de Gentiloni se débarrasse donc, provisoirement, de cette «patata bollente» (patate bouillante), expression italienne pour signifier un «énorme souci», et replace la balle dans le camp de Cevital, sur lequel pèse désormais l'épée de Damoclès : voir ses 100 millions d'euros investis à Aferpi voler en fumée. Car pour l'Exécutif italien, il est hors de question de nationaliser l'usine privatisée en 1993, pour sauver les 2200 emplois, comme le voudraient certains syndicats. Le problème de la survie de l'aciérie demeure : qui remplacera Cevital, surtout qu'aucun autre téméraire investisseur ne se pointe à l'horizon du port de Piombino. Rebrab a deux semaines pour répondre à l'interpellation du gouvernement et présenter de nouveaux arguments convaincants. Comme il pourrait charger ses avocats d'entreprendre les voies de recours juridique pour contester la position de son partenaire italien. Scénario que craignent le plus les ouvriers de Piombino, car cela signifierait la paralysie pour un temps indéterminé de leur usine et le gel de leurs salaires.