Confronté à une crise économique et sociale aiguë, le Venezuela a amorcé hier sa sortie de l'Organisation des Etats américains (OEA) pour protester contre l'«ingérence» de cette organisation dans ses affaires internes. «Nous sommes libres de l'OEA et plus jamais nous n'y reviendrons, qu'ils restent avec leur coquille vide, aujourd'hui le Venezuela s'est réveillé plus libre qu'hier. L'OEA, qu'ils aillent se faire voir !» a clamé le président socialiste, Nicolas Maduro. «J'ai fait un pas de géant pour en finir avec l'interventionnisme impérial», a insisté M. Maduro sur Twitter après l'annonce de ce «Vexit». Touché de plein fouet par l'effondrement des prix du brut, ce pays pétrolier est confronté à une vague de manifestations antigouvernement, qui a fait une trentaine de morts depuis début avril, et est soumis à une pression internationale croissante. Accusant certains pays de l'OEA d'«ingérence» et d'«interventionnisme», dans le but de faire chuter le gouvernement en place à Caracas, le Venezuela va donc claquer la porte d'une institution fondée en 1948. C'est la première fois dans l'histoire qu'un pays choisit de quitter ce bloc régional basé à Washington. Cuba avait été exclu de l'OEA en 1962, lorsque les tensions avec les Etats-Unis étaient au plus haut. La Havane a toujours refusé de réintégrer l'organisation, même si elle a été réadmise en 2009. L'OEA, dont le secrétaire général Luis Almagro a qualifié M. Maduro de «dictateur», s'était réunie mercredi pour convoquer un mini-sommet des ministres des Affaires étrangères de la région sur la crise, sans préciser de date. Dès mardi soir, la chef de la diplomatie vénézuélienne, Delcy Rodriguez, avait menacé de quitter l'organisation, si une telle réunion avait lieu. Et cette menace a été confirmée mercredi, dès l'annonce de ce mini-sommet. Concrètement, ce processus de retrait, qui doit prendre 24 mois, a débuté officiellement hier, lorsque le Venezuela a présenté une plainte contre l'OEA à son secrétaire général, à Washington. Pour Julio Borges, le président du Parlement vénézuélien, la seule institution contrôlée par l'opposition, depuis fin 2015, ce retrait du Venezuela de l'OEA signe «l'échec» du gouvernement. De fait, M. Almagro avait annoncé à plusieurs reprises vouloir invoquer la charte démocratique de l'organisation pour obtenir la suspension de Caracas. L'OEA avait ainsi haussé le ton début avril en adoptant une résolution dénonçant la rupture de l'ordre constitutionnel au Venezuela, quelques jours après la décision de la Cour suprême de s'arroger les pouvoirs du Parlement. Ce n'est pas la seule organisation internationale à avoir fait pression sur Caracas : jeudi, le Parlement européen a dénoncé la «répression brutale» au Venezuela et exigé une enquête. «Le Venezuela est dans une situation chaotique», a déclaré de son côté le président américain, Donald Trump. En réponse, Caracas a demandé à la Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes (Celac) d'organiser une réunion le 2 mai, en signe de «solidarité, pour combattre le harcèlement diplomatique dont est victime le Venezuela», selon M. Maduro. En face, l'opposition cherche aussi à maintenir la rue mobilisée. Elle a ainsi délocalisé, jeudi, une séance du Parlement, dans le parc Miranda, au cœur de Caracas, séance lors de laquelle a été voté un manifeste demandant l'appui de la communauté internationale pour obtenir «une élection présidentielle anticipée», avant la date prévue de 2018. Les antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) ont ensuite rendu hommage au dernier manifestant mort à Caracas, un jeune de 20 ans touché par une cartouche de gaz. Le parquet, qui a confirmé ce décès, a ouvert une enquête. On compte désormais 28 morts, selon le dernier bilan du parquet — 29 selon M. Maduro —, qui dénombre aussi 437 blessés et 1289 personnes arrêtées. Ce bilan est le plus lourd depuis la vague de manifestations de 2014, qui avait fait officiellement 43 morts. Lundi 1er mai, qui marquera le premier mois de mobilisation de l'opposition, les anti-Maduro ont prévu de convoquer une «grande manifestation» en signe de défi au pouvoir, qui organise traditionnellement de grands rassemblements lors de la Fête du travail.