La Cour suprême du Venezuela va réviser deux décisions par lesquelles elle s'était attribué les pouvoirs du Parlement et avait privé les députés de leur immunité, selon un accord conclu samedi entre les principales institutions du pays. Les représentants de ces institutions, réunis dans la nuit au sein du Conseil de défense de la Nation, ont décidé d'"exhorter le Tribunal suprême de justice (Cour suprême, ndlr) à réviser les décisions" en question, "afin de maintenir la stabilité institutionnelle et l'équilibre des pouvoirs", indique le texte de l'accord. Le Conseil de défense de la Nation avait été convoqué en urgence vendredi soir par le président vénézuélien, le socialiste Nicolas Maduro. La décision de la Cour suprême, favorable à M. Maduro, de s'arroger les pouvoirs du Parlement, contrôlé par l'opposition de centre droit, avait suscité une vague de réprobation internationale. Vendredi, pour la première fois, cette décision avait aussi été critiquée dans le camp de M. Maduro. Luisa Ortega, chef du parquet national vénézuélien et considérée comme appartenant au camp présidentiel, avait dénoncé une "rupture de l'ordre constitutionnel". Quelques heures après, M. Maduro avait affirmé le contraire. "Au Venezuela, la Constitution, les droits civils et politiques, les droits de l'Homme et le pouvoir populaire sont pleinement en vigueur", avait-il déclaré. Et M. Maduro avait annoncé qu'il convoquait le Conseil de défense de la Nation "afin de délibérer et d'adopter une résolution" permettant de sortir de ce qu'il a appelé une "impasse". Le président a ensuite annoncé lui-même à la radio et à la télévision la conclusion de l'accord, avant que son vice-président, Tareck El Assaimi, n'en lise le texte. "Nous sommes parvenus à un important accord pour la résolution de cette controverse", qui est maintenant "surmontée", a déclaré M. Maduro en annonçant la révision des deux décisions controversées de la Cour suprême. Cela démontre "les possibilités de dialogue qui peuvent être activées dans le cadre de notre Constitution", a-t-il ajouté. Le président de la Cour suprême, Maikel Moreno, a participé à la réunion du Conseil de défense, mais pas le président du Parlement, l'opposant Julio Borges, ni la chef du parquet Luisa Ortega. M. Maduro a toutefois indiqué que "des conversations" avaient eu lieu avec Mme Ortega pendant que se déroulait la réunion du Conseil de défense. Le président vénézuélien Nicolas Maduro a nié vendredi que la décision de la Cour suprême de s'arroger les pouvoirs du Parlement soit une "rupture de l'ordre constitutionnel" et a convoqué son Conseil de sécurité. M. Maduro a pour la première fois été ouvertement critiqué par son propre camp, un haut responsable dénonçant la mainmise de la Cour suprême sur le Parlement. Les critiques internationales pleuvent depuis jeudi sur le Venezuela, où la plus haute juridiction, proche du président socialiste, s'est attribuée le pouvoir d'édicter des lois qui appartient normalement au Parlement, bastion de l'opposition de centre droit. Cette mesure constitue une nouvelle escalade dans la crise politique qui agite le Venezuela depuis la large victoire des antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) aux élections législatives de fin 2015. Exécutif, armée, justice et législatif: le régime présidentiel vénézuélien concentre à présent tous les pouvoirs. Vendredi, Luisa Ortega, chef du parquet au niveau national et considérée comme affiliée au président Maduro, est sortie du rang. "Dans ces décisions (de la Cour suprême), on peut constater des violations de l'ordre constitutionnel et une méconnaissance du modèle d'Etat consacré par notre Constitution (...) ce qui constitue une rupture de l'ordre constitutionnel", a-t-elle déclaré au cours d'un discours retransmis en direct par la télévision d'Etat.
Une grande inquiétude "Il est de mon devoir de manifester face au pays ma grande inquiétude", a-t-elle ajouté en brandissant la Constitution. Ces déclarations ont été ponctuées par des applaudissements dans la salle et ont visiblement surpris les journalistes de la chaîne, qui suit la ligne du pouvoir exécutif.
Réunion d'urgence de l'OEA lundi ou mardi Le Conseil permanent de l'Organisation des Etats américains (OEA) devrait se réunir d'urgence lundi ou mardi, selon des sources diplomatiques, pour se pencher sur la crise politique au Venezuela, où la Cour suprême s'est octroyée les pouvoirs du Parlement. Le secrétaire général de l'OEA, Luis Almagro, a formulé cette demande vendredi, après avoir dénoncé "un coup d'Etat auto-infligé" au Venezuela. M. Almagro assure dans un communiqué solliciter cette réunion "afin d'évaluer collectivement la situation et adopter les décisions opportunes", en vertu du règlement de cette organisation régionale qui rassemble une trentaine d'Etats du continent américain, dont les Etats-Unis. Le Venezuela, dirigé par le socialiste Nicolas Maduro, s'est attiré les foudres de la communauté internationale après la décision de la Cour suprême, réputée proche du pouvoir, dans la nuit de mercredi à jeudi de faire main basse sur la prérogative du Parlement d'édicter des lois. La plus haute juridiction du pays avait plus tôt cette semaine retiré leur immunité aux députés de l'Assemblée, où l'opposition est majoritaire. Le chef de l'OEA a dénoncé ces décisions, qui représentent "les derniers coups avec lesquels le régime bouleverse l'ordre constitutionnel du pays et met fin à la démocratie". Il a reçu vendredi l'un des principaux dirigeants de l'opposition au Venezuela, Henrique Capriles, au siège de l'OEA à Washington. "Les choses ont changé drastiquement parce que la branche de pouvoir la plus représentative de la démocratie a été bloquée", a déclaré M. Capriles devant les journalistes. Deux fois candidat à la présidentielle, il a dit espérer que le Conseil permanent de l'OEA affirme dans une résolution "que le fil constitutionnel a été rompu" au Venezuela. Luis Almagro a présenté sa demande d'une réunion d'urgence à l'ambassadeur du Belize, Patrick Andrews, qui tient la présidence tournante du Conseil permanent. Selon sa charte, l'OEA autorise son secrétaire général ou un gouvernement à convoquer une séance extraordinaire en cas "d'altération de l'ordre constitutionnel qui affecte gravement l'ordre démocratique" d'un Etat membre. Les membres doivent alors mettre en œuvre des démarches diplomatiques visant à rétablir l'ordre démocratique, qui peuvent aboutir dans les cas les plus extrêmes à la suspension du pays de l'organisation. La Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH), organisation également basée à Washington, a rejoint vendredi le concert de critiques envers Caracas, dénonçant une "usurpation des fonctions du pouvoir législatif" et "l'annulation de facto du vote populaire" de la part de la Cour suprême.