L'opposition vénézuélienne s'est à nouveau mobilisée à Caracas, avec une cinquième manifestation en dix jours contre le président socialiste Nicolas Maduro, parti chercher à Cuba l'appui diplomatique d'un pays ami face à la pression internationale. De nouveaux affrontements avec la police ont émaillé la manifestation organisée lundi dans la capitale et qui a réuni plusieurs milliers d'opposants. Des centaines d'antichavistes (du nom de l'ancien président Hugo Chavez, 1999-2013), ont affronté la police. Aux jets de pierres de certains manifestants, la police a répondu par des gaz lacrymogènes. Dix-huit personnes ont été arrêtées, selon le ministère de l'Intérieur, et 12 ont été blessées selon le maire du quartier de Chacao. L'opposition et le défenseur du peuple ont dénoncé l'usage par les forces de l'ordre d'hélicoptères et de bâtiments gouvernementaux pour tirer des bombes lacrymogènes. "C'est un duel de résistance: pour voir qui se fatigue le premier, nous de lutter ou eux de nous réprimer", a déclaré Freddy Guevara, vice-président du Parlement, contrôlé par l'opposition depuis fin 2015. "Le peuple du Venezuela a décidé de descendre dans la rue et n'en partira que lorsqu'il sera libre", a prévenu dans un communiqué la MUD (Table pour l'unité démocratique), vaste coalition qui rassemble les opposants au chef de l'Etat. Depuis le début du mois d'avril, il s'agit de la cinquième manifestation des antichavistes dont le but est de mobiliser la population, étranglée par la crise économique de ce pays pétrolier ébranlé par la chute des cours du brut.
L'Union européenne préoccupée Après avoir réussi en 2016 à rassembler des centaines de milliers de manifestants, l'opposition a peiné ces derniers mois à mobiliser les habitants, découragés et plutôt accaparés par les soucis du quotidien. Mais au-delà du nombre, limité pour le moment (quelque 10.000 personnes jeudi et 4.000 samedi), c'est le tour violent des manifestations qui inquiète. L'Union européenne a ainsi fait part de sa préoccupation face à "l'escalade des tensions". "Nous voulons des élections (....) il doit y en avoir au Venezuela", a déclaré Alejandro Navas, étudiant en Droit. Les antichavistes sont très en colère après les 15 ans d'inéligibilité qui ont frappé vendredi l'un de leurs leaders, Henrique Capriles, principal rival de Nicolas Maduro qui l'avait battu de peu lors de la présidentielle de 2013. Dans un communiqué, les Etats-Unis ont demandé que soit "urgemment reconsidérée cette décision" afin que "les Vénézuéliens puissent exercer leur droit à élire leurs représentants dans des élections libres". De nombreux pays, de l'Espagne à l'Argentine, en passant par la Colombie, le Mexique, le Brésil et le Pérou, ont également critiqué cette décision. "Le Venezuela a besoin d'un gouvernement légitime", a déclaré lundi le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, en déplacement au Brésil. La situation s'était déjà enflammée ces derniers jours quand la Cour suprême, réputée proche du président Maduro, s'était brièvement arrogée les pouvoirs du Parlement, déclenchant un tollé diplomatique qui l'a poussée à faire machine arrière 48 heures plus tard.
Zéro dialogue Pendant ce temps, le chef de l'Etat participait lundi à Cuba à une réunion de pays amis de l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (Alba) --qui rassemble l'Equateur, le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua et plusieurs petits pays des Antilles, mais a considérablement perdu de son influence ces dernières années--, convoquée pour apporter leur soutien au leader socialiste vénézuélien. Depuis La Havane, Nicolas Maduro a accusé lundi les Etats-Unis d'œuvrer au blocage du dialogue avec l'opposition de son pays afin de "faire éclater" le Venezuela. "La vérité vraie est que l'ordre a été donné à Washington pour le +zéro dialogue+ au Venezuela dans le but de faire éclater notre pays et (permettre) une invasion étrangère", a-t-il accusé. Samedi, des heurts avec les forces de l'ordre avaient déjà éclaté à Caracas lors d'une manifestation qui a rassemblé des milliers d'opposants. Jeudi, un homme de 19 ans avait été tué d'une balle en pleine poitrine et un policier accusé d'avoir tiré sur le manifestant a été arrêté. L'opposition a annoncé que la prochaine mobilisation aura lieu le 19 avril. Il s'agira, selon Freddy Guevara, de la "mère de toutes les manifestations". Ce même jour de fête nationale, les Chavistes ont également appelé à "une grande mobilisation" à Caracas.