Pas moins d'un millier de citoyennes et de citoyens se sont retrouvés vendredi 21 avril 2017 à Iboudrarène, dans la daïra d'Aït Yenni, à 45 km au sud-est de Tizi Ouzou, pour prendre part à l'inauguration d'une stèle, implantée sur un site vertigineux et paradisiaque, en bordure de la route reliant Ighil Bouamas à Aït Allaoua. Elle est érigée à la mémoire de trois nationalistes révolutionnaires de la première heure, à savoir M'barek Aït Menguellet, Amar Ould Hamouda et Salah Aït Mohand Saïd. Ce monument, réalisé en ce 37e anniversaire du Printemps berbère d'avril 1980, immortalise désormais ces illustres noms de martyrs de l'amazighité, militants fondateurs du PPA/MTLD. Cet événement a été transformé par des femmes de la région en une joyeuse fête, du fait surtout qu'il réhabilite enfin le juste combat et le sacrifice de ces illustres personnages, longtemps frappés, injustement, d'ostracisme, à l'indépendance, après avoir subi celui, répressif, de l'administration coloniale française des années 1940 et 1950. L'événement, longtemps préparé par l'APC d'Iboudrarene, le comité du village Ighil Bouamas, l'association culturelle locale M'barek Aït Menguellet, le comité d'Aït Allaoua, avec la précieuse aide de la wilaya et de l'APC de Tizi Ouzou, intervient aussi à l'occasion de la commémoration du 61e anniversaire de l'exécution, par leurs frères de lutte pour la Libération nationale, de ces militants-martyrs de l'identité amazighe et de l'authenticité. Avant l'inauguration du monument, le programme tracé par les organisateurs a été marqué par un rassemblement au chef-lieu de Tassaft Ouguemoun, suivi d'un dépôt de gerbes de fleurs sur les tombes de Mustapha Bacha, Djaffar Ouahioune, Kamel Aït Hamouda, Chabane Ouahioune et Saïd Ouahioune. Sur le site du monument, au lieudit «Tagounits g-Ikfil», faisant face à la majestueuse montagne appelée «Azrou n Ath Djemâa», trônant à plus de 1000 mètres d'altitude, le président de l'APC d'Iboudrarene, Abdeslam Lekhal, retracera le glorieux parcours de ces maquisards hors pair, militants de la berbérité, nationalistes de la première heure, dans le PPA/MTLD, exécutés dans ces parages en 1956, par le FLN, à cause de leur position inflexible concernant l'amazighité. «Au PPA, ils signifiaient aux militants qu'il est temps de prendre les armes contre le colonialisme français, comme ils faisaient appel aux démocrates du PPA/MTLD d'inclure le tamazight dans l'histoire de l'Algérie», ajoute M. Lekhal. Le maire d'Iboudrarene évoquera aussi les innombrables chahids et chahidate de cette région, notamment des condamnés à mort, à l'image de Slimani, l'un des premiers guillotinés au début de la Révolution, les sept femmes martyres, dont Taoues Benlamara, d'Ighil Bouamas, etc. L'orateur rappellera en outre que «au moment de l'exécution, en mars 1956 dans ces parages, de ces valeureux combattants, par leurs frères de lutte, la même année naissaient, comme par hasard, les Mustapha Bacha, Djaffar Ouahioune…, qui rallumeront, avec d'autres camarades, la flamme du mouvement d'Avril 1980». Ouahab Aït Menguellet, maire de Tizi Ouzou, rappellera que ces martyrs étaient des gens très aisés avant le déclenchement de la Révolution de Novembre 1954. Ils militaient depuis leur adolescence pour la libération de l'Algérie du joug colonial. Ils étaient des commerçants, des propriétaires terriens… Dr Salah Aït Mohand Saïd, médecin généraliste, était propriétaire terrien à Batna, M'barek Aït Menguellet, propriétaire terrien à Tiaret et Amar Ould Hamouda avait les mêmes biens à Oued Fodda (Chlef). Mais malgré qu'ils fussent aisés financièrement, ils ont quand même rejoint le maquis en sacrifiant tout pour la Révolution, afin, notamment, de pouvoir recouvrer la liberté et la dignité de l'Algérie. De son côté, Me Hakim Saheb dira : «Nous sommes ici pour rendre hommage à ces trois révolutionnaires qui ont œuvré pour l'indépendance de l'Algérie, pour notre liberté, notre dignité. C'est grâce à eux et leurs semblables que nous sommes aujourd'hui là, libres, dans ces montagnes de l'honneur et de la dignité. Ils sillonnaient les villages pour sensibiliser la population.» Me Saheb rappelle que «Amar Ould Hamouda était bachelier et se préparait à passer sa 2e partie du bac mathématiques, avant d'être arrêté par la police coloniale sur dénonciation quant à ses activités politiques», explique le même orateur, ajoutant : «M'barek Aït Menguellet, qui travaillait à l'ouest du pays, est revenu en Kabylie où il activait et créa ensuite la première cellule des Scouts musulmans (SMA).» C'était ce groupe qui chantait Ekker a mmis u-amazigh et Ghori yiwen w-amdakwul, de Laïmeche Ali. Un noyau qui avait compris les choses à l'avance. Me Saheb invite, dans ce contexte, la masse des jeunes présents et les étudiants à lire le document que ce groupe a élaboré en 1948-1949 sous le titre «L'Algérie libre vivra» et signé «Idir El Watani». Dans ce texte, selon lui, on trouvera des phrases entières reprises dans l'appel du 1er Novembre 1954, dans la Plateforme de la Soummam (1956), et même dans la Charte de Tripoli (1962) où, bien sûr, on a expurgé tout ce qui a rapport à l'identité, à l'Algérie plurielle et juste. Ils étaient des révolutionnaires avant l'heure. Comme nous vivons et habitons cette patrie aujourd'hui, dans la liberté, il faut aussi que le souvenir de ces hommes ne quitte jamais nos esprits et nos cœurs. Ils étaient les semeurs en Algérie du combat pour la démocratie, le droit, tamazight et la liberté. Des gerbes de fleurs ont été déposées ensuite devant la stèle par les comités des villages Aït Allaoua, Ighil Bouamas, l'ONM d'Iboudrarene, la fondation Colonel Amirouche, la directrice de wilaya de la culture, la fondation Mustapha Bacha, la chef de daïra d'Aït Yenni, le secrétaire général de la wilaya, Si Ouali Aït Ahmed, ancien officier de l'ALN, Me Hakim Saheb, etc. Des enfants de chouhada, l'Association nationale des enfants de moudjahidine, celle des donneurs bénévoles de sang (ADBS) et ses bureaux de Boudjima, Ouaguenoun, Bouzeguene, Azazga, des artistes, etc. étaient également présents. Un déjeuner (ouada) a été ensuite offert en l'honneur de l'ensemble des hôtes dans les locaux de l'association culturelle M'barek Aït Menguellet, à Ighil Bouamas, inaugurés en 2007, à l'occasion des 40 ans de carrière artistique de l'inénarrable poète, Lounis Aït Menguellet. A noter aussi que sur la plaque commémorative de la stèle, conçue en marbre à fond noir, décorée du signe de l'alphabet amazigh et de motifs berbères, il est transcrit, en jaune, un long texte rappelant notamment : «En ce lieu, ont été exécutés en mars 1956, Amar Ould Hamouda, 33 ans, membre du bureau politique du PPA/MTLD, M'barek Aït Menguellet, 34 ans, responsable MTLD à l'ouest, Salah Aït Mohand Saïd, chirurgien, membre de l'organisation du PPA/MTLD, 34 ans.»