Du ferda, djebbariate, diwane et hadra. Elles ont chanté, dansé et surtout joué d'instruments... un vrai spectacle. Inédit, une tonalité française vient s'ajouter à un patrimoine soigneusement conservé. Mercredi soir, à la salle Ibn Zaydoun dans le cadre du Festival culturel européen, Lemma a lancé l'événement. - Une rencontre inédite, Souad Asla avec sa Lemma et Thérèse Henry. Une fusion strictement féminine... le gambri et la basse, un voyage dans le temps. Comment était votre public dans la soirée ? Extraordinaire, magnifique en un mot «hawalnaha». L'ambassadeur de l'Union européenne était tellement émerveillé qu'il dansait avec le public. Il est monté en scène pour me féliciter. Tout cela c'est une fierté pour moi d'avoir représenté l'Algérie et d'être à l'ouverture du festival. C'est un bon départ pour cet événement, je pense. . Pendant deux heures, le public a admiré, chanté et dansé avec nous. La salle était archi comble ? Ca fait plaisir de faire plaisir à mon public adoré. ET ca fait aussi plaisir de savoir que notre patrimoine a encore de la place et de beaux jours devant lui. - Vous êtes le seul groupe algérien qui représentera l'Algérie lors de ce festival... Je suis très contente de cette représentation et particulièrement fière. La première fois où j'avais chanté en Algérie c'était grâce à ce festival, il y a quatre ans. Aujourd'hui, je reviens avec un nouveau projet celui de Lemma. Depuis trois ans. Nous sommes au total 12 femmes. Notre mission est de regrouper tous les chants du patrimoine de la Saoura, et ce, d'une manière exclusive. Hadra, sadrana, farda au féminin le gnaoui, jafariat, zafana et aussi hidous spécifique à la région y sont. - Racontez-nous de cette histoire de Lemma... Le projet de Lemma est né suite à mes multiples voyages à Bechar et Taghit. Chaque vendredi, les femmes de Taghit se rencontrent pour chanter, et durant chaque visite que j'effectuais, il y avait, malheureusement toujours au moins une femme qui disparaissait et les chansons avec elle. Et le plus malheureux, il n'existe pas de relève. J'ai demandé aux jeunes filles et femmes d'accompagner leur mère ou grand-mère dans ces chants, elles rigolaient et me disent qu'on n'aime pas cette musique. Cette musique ne représente rien à leurs yeux. C'est à ce moment-là que j'ai réellement constaté que ce patrimoine était vraiment en voie de disparition. Je suis donc reparti pour faire un casting. J'ai choisi des femmes qui porteront leur voix dans toute l'Algérie et même à l'étranger mais aussi pour préserver ce patrimoine. Et le groupe se compose maintenant de tout âge, allant de 20 jusqu'au 70. C'est magnifique ce contact de génération. Ca fait donc la Lemma depuis deux ans. C'est donc plus une histoire particulière et personnelle pour moi, car toutes ces femmes je les connais depuis mon jeune âge, elles ont même animé les mariages de mes frères et soeurs. Il s'agit des femmes qui jouaient partout à Bechar. - C'était facile de les faire réunir ? Non pas trop. Il fallait convaincre les maris, les frères, l'entourage... Je les ai un peu responsabilisés sur leur mission de préservation du patrimoine. En leur disant aussi que c'est de la musique spirituelle, des chants de l'esprit de soufisme, je leur ai dit que notre musique disparaîtra si vous ne décidez pas de vous réunir. Si vous n'engagez pas dans cette lutte, le patrimoine meurt. - Ce sont des rythmes musicaux que vous voulez garder authentiques… J'ai vraiment tenu à garder les anciens instruments sans aucune touche de modernité ni du changement. Je tiens à leur authenticité. Et c'est aussi notre mission de garder ce cachet et de pouvoir en plus l'exporter. C'est un trésor et il ne faut pas le toucher. D'ailleurs, l'année passée j'ai participé au Maroc au festival El Hadhariat, joué à Paris… et le public a admiré. Ma mission est de pouvoir faire connaître cette musique en Algérie mais aussi au plan international. - Vous pensez que le public et la nouvelle génération aiment ce genre de musique ? Il réagit merveilleusement bien. Il ne connaît pas tous les genres. Il est d'ailleurs parfois perplexe. Le public européen à ma grande surprise réagit extrêmement bien puisqu'il s'agit de musique qui parle à l'âme. C'est de la belle musique, les amis musiciens de grandes sommités étaient vraiment étonnés, puisqu'il y a des rythmes qui nécessitent des années entières pour les comprendre. Ils sont incompréhensibles particulièrement pour les Occidentaux. - Même en France, vous organisez des ateliers de la musique... Oui, à ceux qui le veulent, autour de nos chants, des ateliers sont organisés. Il s'agit d'une expérience humaine et musicale. Ces femmes de Lemma cherchent aussi à s'intégrer de mieux en mieux dans la société. Ces ateliers permettent à ces femmes de donner de se défouler et surtout de transmettre ou du moins de partager leur savoir et maîtrise musicale. - Quels sont vos projets à l'avenir ? Bientôt un album, éventuellement dans un mois. Il reprend toutes les chansons de Lemma que j'avais enregistrées. Ces femmes ne se rendaient pas compte du trésor qu'elles gardaient à leur niveau et de leur rôle de représenter l'Algérie.