Après son premier album Jawal, où l'artiste a rendu hommage à sa manière aux musiques traditionnelles du Maghreb, Souad Asla revient sur le devant de la scène avec Lemma. C'est un projet musical qui lui tient à cœur, réunissant 12 femmes de Béchar (dont sa mère spirituelle, Hasna El-Bécharia) qui revisitent le répertoire de quatre styles de musique de la Saoura (ferda, djebbariate, diwane et hadra). Dans cet entretien, elle revient sur la naissance de ce projet et sur son entreprise, fabuleuse, de présenter et de transmettre le patrimoine musical d'une région riche par ses airs et ses rythmes. Liberté : Lemma est présenté comme une comédie musicale composée de quatre tableaux interprétés par 12 artistes femmes. Comment est né ce spectacle ? Souad Asla : Lemma est avant tout une comédie musicale, une création, un groupe d'artistes femmes qui chantent, dansent et jouent des instruments parfois ancestraux en reprenant des répertoires du patrimoine. L'idée m'est venue lors de mes multiples allers-retours, où j'ai malheureusement constaté que chaque année une des femmes âgées manquait (disparaissait), et que la nouvelle génération, en plus d'être portée sur un autre style de musique, oubliait ces chants qui ont tant bercé notre enfance lors de toutes sortes de cérémonies (baptême, mariage, deuil, waâda...). La dénomination de ce spectacle Lemma se voulait tel que la traduction le dit : rassembler, unir, fédérer, ramasser, se retrouver... Le projet cogitait depuis plus de deux ans, mais il existait dans ma tête depuis bien longtemps, et c'est à partir de ça justement que je me suis inspirée pour mes différents ateliers de chants et danses en France, y compris pour les ateliers d'arts thérapie que j'ai eu à animer. À chaque atelier, ma grande surprise était de voir toutes ces femmes parfois de plus de 12 nationalités différentes reprendre en chœur ces chants (parfois carrément des louanges à Dieu) avec moi. Quelles démarches avez-vous entreprises pour mener à bien ce projet ? Il y a un an, je me suis posée, j'ai tracé une stratégie d'action et j'ai mis tout ça sur papier. Il fallait par la suite repartir sur les lieux pour regrouper, écouter et convaincre ces femmes à adhérer au projet. Après une sélection, j'ai animé deux résidences à Taghit avec elles, où nous avons appris à mieux nous connaître et nous avons revu tout le répertoire qui est très riche. Par la suite, nous avons répété, chanté et dansé des heures durant, pendant 5 jours. J'ai réalisé une chorégraphie sur ça, et cela a duré plus d'une semaine. Et puis, il y a eu plusieurs autres résidences. Je tiens quand même à le signaler, ces résidences ont été autofinancées. Vous êtes auteure-compositrice et interprète, et pour Lemma vous portez la casquette du metteur en scène. Pouvez-vous nous parler de cette nouvelle expérience ? La mise en scène a été réalisée par moi, et ce, par manque de moyens d'associer un metteur en scène... Une équipe coûte énormément cher ! Pour la réalisation de cette comédie musicale, j'ai fait dans la simplicité. Mais aussi dans l'authenticité des rituels qui représentent les quatre disciplines du spectacle : ferda, hadra, diwane et djebbariate. En fait, je mets en scène des rituels de cérémonies existantes. D'ailleurs, ces quatre disciplines ne reprennent pas uniquement Béchar mais la région de la Saoura. Depuis la création de votre projet, avez-vous été contactée pour vous produire sur scène ? Des dates fixes non, des promesses, des promesses et des promesses ! Nous nous sommes déjà produites en Algérie, au Festival international du diwane, au colloque international sur le patrimoine à Constantine qui a été organisé par Slimane Hachi et l'Unesco, et la dernière date était à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, organisée par l'Office national de la culture et de l'information (ONCI) à la salle mythique de l'Atlas. Ce fut à chaque fois une découverte pour le public, ce dernier a chanté et dansé avec nous. Le public n'a jamais vu des femmes jouer du karkabou, du tbal et la ferda. Nous avons une date également en France, où nous allons faire découvrir une des multiples richesses culturelles de notre Algérie. Mon plus grand souhait est que l'Algérie exporte ce spectacle et qu'il ne nous soit pas importé, car c'est le nôtre. H. M.